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CRIET – ICC-Services : épilogue d’un procès historique d’escroquerie à grande échelle au Bénin

Tout ce qui a un début, a une fin. Après son ouverture le lundi 17 décembre 2018 devant la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET) sise à Adjina dans le 3è arrondissement de Porto-Novo, capitale du Bénin, il a fallu 32 journées d’audiences pour venir au verdict de cette affaire Madoff à la béninoise ce mercredi 6 février 2019, soit un peu moins de trois (03) mois. Il faut le dire tout de suite, dès le début du procès, la structure ICC-Services à travers ses avocats, a toujours manifesté sa volonté de rembourser les déposants. « Notre foi ne nous permet pas de créer un préjudice à une créature divine et ne pas vouloir la réparer. Mais, on doit nous apporter la preuve », a déclaré l’un des avocats de la défense, Me Hervé Gbaguidi ce mercredi, tout en renouvelant le mea culpa des accusés.

 Pour les avocats de l’État béninois, il n’existe aucune victime

« Beaucoup de choses ont été dites depuis deux jours. J’ai entendu dire que les populations se sont faites avoir parce qu’il y avait des documents écrits. J’ai entendu dire que les populations ont cru à la prospérité partagée. J’ai entendu que des gens, suite à des communiqués ont marché pour protester contre l’alerte parce qu’il s’agirait d’une jalousie », a développé Me Olga Anassidé. À l’entendre plaider en faveur des intérêts de l’État béninois, l’avocate ne sait pas de quoi les déposants à ICC-Services ont été victimes. « (…) Ils sont victimes de quoi ? », interroge Me Anassidé. « Lorsqu’on a alerté et que les gens n’ont pas entendu sous prétexte que c’est une jalousie. Ils se plaignent de quoi ? », attaque-t-elle. « De quoi sont-ils victimes ? », continue la dame en toge.

Me Olga Anassidé n’a pas apprécié le fait d’affirmer que les populations ont été abusées parce qu’elles étaient analphabètes. « J’ai vu les statistiques. Les étudiants tiennent la lampe devant, les hommes en uniforme ensuite », a déclaré l’avocate de la défense. Elle n’a pas oublier d’admettre qu’il s’agit d’une « razzia » et non d’un « abus ».

Néanmoins les victimes réclament 115 milliards FCFA à l’État et à ICC-Services

Du côté des déposants, leurs avocats à l’image de Me Agathe Affougnon Ago, ne sont pas restée bouche bée aux répliques des avocats de l’État et surtout de la plaidoirie de la défense. Mais avant de développer ses arguments devant la CRIET, elle a souligné que les déposants ne sont pas dans le box des accusés dans le cadre dudit procès. « Aucune personne qui a déposé à Icc-Services n’est poursuivie et ne saurait l’être », a-t-elle rassuré les déposants avant de demander à la Cour de condamner l’État et les accusés de façon solidaire à payer la somme de 115 milliards de francs FCFA.

La réquisition du ministère public

Toutes ces répliques des avocats de la partie civile passées, le procureur spécial, Gilbert Ulrich Togbonon a pris de nouvelles réquisitions. En dehors des sieurs Thomas Boni Yayi, Pascal Irenée Koukpaki, Kogui N’Douro, Armand Zinzindohoué, Grégoire Akofodji, Roger Djogba et dame Abou Yayi Rébecca, le procureur spécial a réclamé au nom de la loi des poursuites à l’encontre de tous les ministres de l’Économie et des Finances du Gouvernement de Yayi 1 et Yayi 2, des différents directeurs du renseignement, des ex-directeurs de police et de la gendarmerie au moment des faits. Gilbert Ulrich Togbonon ne s’est pas arrêté à ce niveau. Ainsi, en prenant parole en sa qualité du ministère public, sur les intérêts civils, le procureur spécial a prié la cour de recevoir la constitution de partie civile de l’État béninois et des victimes. Plus loin dans ses réquisitions, le procureur spécial près de la CRIET, a aussi demandé à la Cour d’autoriser le prélèvement de quinze millions sept cent quatre vingt douze mille six cent soixante quinze (15.792.675) francs FCFA ; ceci, sur le compte domicilié au trésor ouvert dans le cadre du scandale ICC-Services. Le procureur spécial s’est justifié en précisant que ce prélèvement est le montant dû par les responsables de la structure ICC-Services en terme d’impôt.

 Les accusés ont eu droit à leur dernier mot

Edouard Cyriaque Dossa, président de la Cour, quand les différentes contre-répliques ont pris fin au niveau des hommes et femmes en toge, il a remercié chacun des avocats pour la « sérénité et le calme » avec lesquelles les débats ont été menés durant ces 32 journées du procès. Après ces moments de grâce, le président de la Cour a invité les accusés pour leurs derniers mots dans le cadre de ce procès historique au Bénin.

Le premier des accusés à prendre parole, est Grégoire Ahizimé :

« Je voudrais remercier la Cour qui nous conduit tout doucement vers la fin de ce procès pour que je connaisse mon sort. J’ai fait mon travail pour protéger les populations mais je n’ai pas été compris. (…) Je demande à la cour, aux assesseurs, au procureur spécial d’examiner mon cas avec clémence et miséricorde ».

Puis Justin Dimon :

« Je bénis l’Éternel pour m’avoir permis de venir devant une cour comme la vôtre. J’ai encore appris beaucoup de choses. Je réitère que Dieu m’a confirmé que cette cour est créée pour rétablir la justice enfoncée dans la mer par Yayi. Je réitère ma plainte contre Yayi pour qu’il me dise pourquoi j’ai été envoyé en prison. Il y a encore d’autres Icc-Services plus grands. Je demande à la Cour de se lever pour arrêter ça. Pour ma folie, je connais le docteur qui va me guérir. Ce docteur est au Bénin et le médicament est dans sa main. Ce docteur, c’est l’actuel président Patrice Talon. Le monstre à trois têtes qui est Parfaite de Banamè. Je veux que le procureur spécial se lève pour arrêter ce monstre à trois têtes pour que la paix revienne définitivement. (…) Je n’ai rien fait ».

Ensuite Michel Agbonnon :

« Je ne peux que remercier la Cour. Je ne regrette pas d’avoir passé par la prison. Mais la durée. (…) Je passe par cette voie pour demander pardon aux clients de Icc-Services. Je n’ai jamais su qu’en cherchant du travail pour subvenir à mes besoins, j’allais causer du tort. Je n’ai jamais eu l’intention de blesser qui que ce soit. Je prie Dieu de leur rendre au centuple tout ce qu’ils ont perdu ».

Vient Clément Sohounou :

« Je remercie la Cour. Lorsque que j’étais au dehors, je ne disais pas bonjour à ceux qui viennent de prison. Je ne savais jamais que j’allais venir en prison. (…) Je demande pardon à tout le monde pour ce qu’on a gâté ».

Et après Etienne Tinhoundjro :

« Je remercie la Cour pour la sérénité et la lucidité qui ont caractérisé les débats. (…) Ayant travaillé avec les frères en Christ, je ne savais pas que je m’associais pour escroquer, pour faire du mal à moi-même, à ma famille, à mes épouses. Je suis ici en tant que présumé innocent. (…) Si dans le secret de votre délibéré, il arrivait qu’il y ait une plainte contre moi, j’implore votre pardon et votre clémence, également à tout le peuple béninois au nom duquel une plainte a été portée contre moi ».

En ce qui concerne les têtes de pont, Emile Tégbénou a déclaré :

« On n’a pas l’intention de faire du mal (…) Je demande pardon à tout le monde, le peuple béninois. Dans les plaidoiries, j’ai entendu que l’image de l’État est blessée. Je demande pardon à l’État béninois, au procureur spécial, à la Cour, à tout le monde. (…) Je profite pour dire à mes frères dehors qu’avant de poser un acte, de réfléchir et demander des conseils. (…) Je remercie la justice de mon pays, je remercie la CRIET ».

Puis Pamphile Dohou :

« Monsieur le procureur spécial, monsieur le président de la Cour, messieurs les conseillers, monsieur le greffier en chef, je vous remercie. C’est la mort dans l’âme que je prends la parole devant vous. Nous n’avons jamais eu l’intention de gruger. (…) Nous demandons pardon. Nous avons voulu aider nos concitoyens mais nous avons chuté. (…) Si nous devenons des citoyens libres, nous allons vivre autrement ».

Et enfin Guy Akplogan :

« Je rends grâce à l’Eternel Dieu de m’avoir permis d’être vivant pour voir ce jour. J’ai créé Icc-Services, jamais dans l’intention d’escroquer mais d’entraider. Mais nous avons été induits en erreur. (…) Je fais allusion au gouvernement d’alors, aux dirigeants d’alors. (…) J’implore la clémence du peuple béninois, et je demande pardon pour les dommages que Icc-Services a engendrés. (…) Je demande pardon pour tout ce que vous avez pu constater. J’implore la clémence de tous les Béninois, pourquoi pas du monde entier. (…) Je demande pardon. J’ai confiance en la justice de mon pays. Je vous remercie ».

A la fin des derniers mots des différents accusés, le président de la Cour a déclaré les débats clos.

Lire le verdict, les condamnations et la liste des déposants à rembourser ici.

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