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Déclaration du Procureur de la République, Elon’m Marie Mètonou, sur la session criminelle qui démarre ce jeudi 25 avril au Tribunal de Cotonou

« Mesdames, messieurs,

Le jeudi 25 avril 2019, s’ouvre au Tribunal de Première Instance de Première classe de Cotonou, la première session du Tribunal statuant en matière criminelle. Cette session, la toute première organisée dans notre pays se tient dans un contexte marqué par des mutations majeures du droit pénal et de l’organisation judiciaire en République du Bénin.

Ce contexte particulier justifie le contenu, le format et la nature des affaires inscrites au rôle de la session.

Le contexte, c’est l’évolution du droit pénal.

En effet, par Décret N°2018-103 du 30 mars 2018, le gouvernement a transmis à l’Assemblée Nationale, le projet de loi modifiant la loi N° 2001-37 du 27 août 2002, portant organisation judiciaire en République du Bénin, et modifiant et complétant la loi N° 2012-15 du 18 mars 2013, portant code de procédure pénale en République du Bénin.
Les deux projets de lois ont été adoptés le 18 mai 2018.

La promulgation des lois jumelles, le 28 juin 2018, apparaît, après cinq années de mise en application du code de procédure pénale comme une réforme positive et ceci pour deux raisons.

En premier lieu, la nouvelle législation est une réponse aux lenteurs procédurales. Il est en effet acquis que la justice au Bénin souffre d’une lenteur qui s’apparente à un déni de justice. Cette lenteur est plus accentuée lorsqu’il s’agit de la poursuite et du jugement des infractions qualifiées crimes par la loi pénale. Le jugement des crimes par une cour d’assises unique dans chaque ressort de cour d’appel rallongeait anormalement le délai de traitement des affaires de sorte que la réponse à l’infraction était souvent en déphasage avec le problème social à résoudre et la justice à rendre aux victimes. A titre d’illustration, la durée moyenne de traitement des infractions inscrites au rôle de la présente session est de six années avec des périodes de détention provisoire variant de deux à dix ans.

En supprimant les cours d’assises dans leur ancien format, la réforme de 2018 donne à espérer que le jugement des crimes interviendra dans un délai raisonnable. Désormais le juge d’instruction peut directement en clôturant son dossier prononcer la mise en accusation des inculpés devant le Tribunal statuant en matière criminelle qui tient au moins deux sessions par année dans chaque Tribunal de Première instance.

En second lieu, la nouvelle législation institue le double degré de juridiction pour les affaires criminelles. Il s’agit là d’une innovation majeure qui va dans le sens du renforcement des droits de la défense. Le principe de double degré de juridiction est une garantie contre les erreurs possibles des juges du premier degré. Il permet à tout justiciable, s’il n’est pas satisfait par la première décision, de voir son affaire rejugée par une juridiction supérieure à celle initialement saisie.
Désormais, les parties peuvent relever appel des jugements rendus en matière criminelle. Il faut rappeler que sous l’empire de l’ancienne loi, contre les arrêts des cours d’assises, il n’existait que la possibilité du pourvoi en cassation qui ne permet pas un nouvel examen des faits mais une appréciation en droit de l’application de la loi.

Le format de la nouvelle session du tribunal statuant en matière criminelle est marqué d’une part par la suppression du jury et d’autre part par le maintien de la solennité de l’audience.

Le jugement des crimes est désormais dévolu aux seuls professionnels. Le tribunal ou la cour statuant en matière criminelle est composée au sens de l’article 254 nouveau du code de procédure pénale d’un président et de quatre assesseurs tous magistrats. Les jurés non professionnels ne siègent plus et les décisions rendues doivent être motivées pour permettre à la juridiction supérieure d’exercer efficacement son contrôle.

En dehors de ce changement, l’audience se déroule suivant le même rituel que devant la cour d’assises. C’est toujours une juridiction sacramentelle qui a mission de juger les infractions les plus graves. Les procédures sont jugées par sessions. Chaque dossier est pris sans désemparer jusqu’au jugement. La prise de parole des acteurs s’opère suivant les mêmes règles. La solennité attachée aux audiences d’assises est demeurée.

Le contenu de la session et les affaires inscrites au rôle sont également en lien avec les réformes législatives sus-évoquées.
La session qui s’ouvre ce jeudi 25 avril connaitra des infractions suivantes :

  • Trois dossiers d’assassinat ;
  • Deux dossiers de coups mortels ;
  • Un dossier de non dénonciation de crime ;
  • Deux dossiers de meurtre ;
  • Cinq dossiers de viol ;
  • Quatre dossiers de vol à mains armées ;
  • Un dossier d’avortement suivi de mort.

Soit 18 dossiers, pour un total de 39 accusés.

Avec cette première session du Tribunal de première instance de première classe de Cotonou statuant en matière criminelle, c’est le rideau qui se ferme sur les cours d’assises pour laisser place à une nouvelle ère.
L’ère d’une justice plus efficace parce que plus respectueuse des délais.
L’ère d’une justice plus équitable parce que renforcée par les garanties procédurales accordées aux accusés.

Rendre enfin justice à ces dizaines de détenus qui attendent en détention provisoire depuis de longues années ;

Rendre radieux ces nouveaux horizons vers lesquels nous entamons une nouvelle marche, tel devra être le crédo de tous les acteurs de la justice (avocats, magistrats, huissiers, greffiers…) au cours de cette session qui sera clôturée le 20 mai 2019.

Je vous remercie. »

Elon’m Mario METONOU
Procureur de la République

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