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France – Mali : Le divorce est militairement acté, voici ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas encore

« Nous ne pouvons pas rester engagés militairement aux côtés d’autorités de fait dont nous ne partageons ni la stratégie ni les objectifs cachés. », a ainsi affirmé le président français, Emmanuel Macron, lors d’une conférence de presse à l’Élysée, ce jeudi 17 février, déclarant la sortie de la France progressivement du Mali. C’est donc terminé militairement entre la France et le Mali après neuf ans de lutte antijihadiste par l’armée française. « La lutte contre le terrorisme ne peut pas tout justifier, elle ne doit pas, sous prétexte d’être une priorité absolue, se transformer en exercice de conservation indéfinie du pouvoir. », a ajouté Emmanuel Macron. C’est à l’issue d’un dîner à l’Élysée entre le président français et les acteurs européens et africains engagés dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, que la décision a été prise. Présentée comme une « évidence » par Emmanuel Macron, c’est le dernier acte de plusieurs mois de tension entre Paris et Bamako.

« Notre emprunte doit se réduire, comme nous l’avons fait à Kidal, Tessalit et Tombouctou. »

Emmanuel Macron

À la table de ce dîner, étaient présents les dirigeants du Niger, du Tchad et de la Mauritanie, ainsi que ceux des pays d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Ghana, Togo et Bénin, Sénégal). Le Mali et le Burkina-Faso n’étaient pas conviés. La question qui se pose pour la France, maintenant que le départ est acté, c’est de savoir comment rester présent au Sahel et continuer à combattre les groupes terroristes et jihadistes dans la région ? La question reste suspend. Emmanuel Macron a donc annoncé, « dans un exercice qui va prendre 4 à 6 mois », la fermeture des bases de Gossi, Menaka et Gao, situées près de la zone dite des « trois frontières ». « Notre emprunte doit se réduire, comme nous l’avons fait à Kidal, Tessalit et Tombouctou. », a indiqué Emmanuel Macron. Il faut noter que 2400 militaires français sont aujourd’hui présents au Mali, sur les 4600 militaires français déployés dans la bande saharo-sahélienne. « Au total, il devrait rester 2500 à 3000 soldats français au Sahel après le retrait du Mali, d’ici environ six mois. », a indiqué l’État-major des armées françaises.

« Le départ de la France peut avoir un impact. »

Élysée

En revanche, quid de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), qui compte 13.000 hommes et de l’opération Européenne de Formation des Soldats Maliens (EUTM) ? Si leur présence est maintenue, le soutien qui leur est apporté par Barkhane est une question. À l’Élysée, on admet que le départ de la France « peut avoir un impact » sur ces missions. L’armée française devrait continuer à coopérer jusqu’à son retrait avec ces missions, ainsi qu’avec les Forces Armées Maliennes (FAMa), qui ont bénéficié de formation et ont conduit des opérations aux côté des forces européennes. « Les FAMa d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec FAMa de 2013. », explique l’Élysée, qui se voulait confiant à la veille des annonces, à l’Association des Journalistes de Défense (AJD). « Depuis un an et demi, on a des forces militaires au Mali qui sont capables de répondre et qui réagissent. Et qui tiennent par rapport aux attaques de groupes terroristes. », ajoute Paris. « Si le pire avait été évité au Mali depuis 2013 grâce à la présence française, le rôle de la France n’était pas de se substituer à ce qui est le devoir de l’État souverain. », a rappelé Emmanuel Macron. « Une réflexion et des conclusions confortées côté français par la présence des mercenaires du groupe privé russe Wagner », selon l’Élysée, qui affirme que sur le terrain, le risque « d’interférence » avec est élevé.

« Les conditions politiques, opérationnelles et juridiques ne sont plus réunies. »

La France, ses alliés Européens et le Canada

La force « Takuba », groupement de forces spéciales composées principalement d’unités de plusieurs pays de l’Union Européenne (UE), quitte aussi le pays. Fin janvier, la junte au pouvoir au Mali avait soudainement exigé le départ des soldats danois tout juste intégrés à Takuba, jugeant que leur présence n’avait pas fait l’objet du « consentement » de Bamako. La France, ses alliés Européens et le Canada ont annoncé un « retrait coordonné », par un communiqué commun publié, ce jeudi 17 février, au matin. « Les conditions politiques, opérationnelles et juridiques ne sont plus réunies », estiment-ils. « Certains militaires européens participant à cette task force seront repositionnés aux côtés des forces armées nigériennes dans la région frontalière du Mali. », a affirmé Emmanuel Macron, qui tient malgré tout à faire perdurer « l’esprit Takuba » de coopération européenne. Reste à voir quels pays suivront.

« Nous définirons dans les semaines et mois qui viennent, l’appui que nous apporterons à chacun des pays de la région sur la base des besoins qu’ils auront exprimé. »

Emmanuel Macron

La France ne quitte donc pas le Sahel pour autant. Emmanuel Macron a affirmé vouloir « appuyer et impliquer davantage les pays voisins de la bande sahélienne, à savoir les pays du Golfe de Guinée ». La France compte 800 militaires au Niger, quelques centaines au Burkina-Faso (qui seront maintenus pour l’instant malgré le coup d’État) et 800 au Tchad. « Nous définirons dans les semaines et mois qui viennent, l’appui que nous apporterons à chacun des pays de la région sur la base des besoins qu’ils auront exprimé. », a indiqué le président français. La capitale du Niger, Niamey, où se trouve une base aérienne française, deviendra le « cœur » du redéploiement. L’objectif idéal : réarticuler un dispositif « africano-européen », avec la France comme « nation cadre », qui ne s’appuiera plus sur de grandes bases fixes mais sur un soutien des forces des États partenaires et des forces spéciales internationales qui pourront effectuer des attaques ciblées.

Un dispositif moins militarisé ?

Emmanuel Macron a affirmé la volonté collective de « mettre davantage les populations civiles au cœur » de la stratégie. « Première cible des exactions d’Al-Qaida et de Daesh, elles ne peuvent être réduites à un rôle de victimes. », a soulevé le dirigeant français en exprimant le souhait de renforcer l’Alliance pour le Sahel, créée en 2017. Dans l’entourage du locataire de l’Élysée, on parle pour la suite d’une « approche globale, préventive » qui s’appuierait sur « la coopération entre les services de renseignement, de la police, de la justice, une situation économique favorable ». Une logique « plus partenariale et co-construite avec les acteurs régionaux » et « pas seulement sécuritaire », qui sera l’objet du 6e sommet entre l’Union Européenne et l’Union Africaine, qui commence aujourd’hui à Bruxelles. 

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