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France : Élisabeth Borne peut-elle tenir à Matignon ? Comme un doute en Macronie

Photo : La Première ministre française, Élisabeth Borne


Absente. Élisabeth Borne n’a pas été mentionnée une seule fois par Emmanuel Macron, hier, mercredi 22 juin, dans son allocution post-élections législatives, dans la soirée. Dix minutes au cours desquelles le chef de l’État français a mis la pression sur les oppositions en dévoilant les contours de sa future stratégie pour faire avancer le pays malgré le blocage apparent à l’Assemblée nationale. Et ce, sans citer celle qui est normalement chargée de mettre tout cela en musique. Pour l’instant, la Première ministre française est discrète, murée dans Matignon. Comme dans le numéro de Paris Match de ce jeudi 23 juin, où elle est reléguée loin de la Une, à la 48ème page du magazine français qui consacre pourtant son dossier politique aux difficultés de l’exécutif. Pour la cheffe de la majorité (qui s’entretient jeudi et vendredi avec les présidents des groupes parlementaires) à la recherche d’une improbable « coalition d’action » nécessaire à l’adoption de ses textes, « l’enfer » n’aura pas tardé.

« Tout le monde perd ses nerfs. »

Son entourage

Fragilisée par les résultats des élections législatives, elle se sait contestée. Au point de rendre son tablier ? C’est le souhait d’une partie de l’opposition qui veut la voir tomber, avec son gouvernement, via une motion de censure ou un vote de confiance qu’elle peinerait à obtenir. Plus délicat encore, la majorité, désormais relative, semble parcourue d’un doute dans ce contexte aussi inédit qu’imprévu. C’est François Bayrou qui tire les premières flèches, mercredi 22 juin, trois jours après la claque. Le patron du MoDem, le plus puissant allié du président de la République française, plaide sur France Inter pour un Premier ministre, ou une Première ministre, « politique », quand l’ancienne patronne de la RATP est considérée depuis sa nomination comme une « technicienne ». Une pique, à peine voilée, qui provoque la colère du camp Élisabeth Borne. « Tout le monde perd ses nerfs. », commente alors son entourage auprès de BFMTV. Signe que la flèche a atteint sa cible, la principale intéressée prend soin de répondre, ce jeudi dans Paris Match. « On me colle cette image de techno déconnectée. C’est savoureux, car ce sont souvent des gens qui n’ont jamais exercé de métier qui le font. », riposte celle qui a été la première préfète de Poitou-Charentes en 2013 avant de dérouler son CV, « quand vous dirigez une entreprise, que vous êtes préfète de région, vous êtes dans la réalité. »

« Soyons honnête, elle est dans une position très difficile. »

Un cadre de la majorité à l’Assemblée

Il n’empêche, au-delà de ces échanges à fleuret moucheté, cette question de « profil » interroge dans les couloirs du Palais Bourbon. Ou inquiète, c’est selon. « Soyons honnêtes, elle est dans une position très difficile. », commente un cadre de la majorité (relative) à l’Assemblée nationale. Lui doute de la capacité de l’ingénieure de 61 ans, « nouvellement élue députée, après avoir occupé des portefeuilles techniques » à manoeuvrer « dans l’hémicycle le plus politique depuis le début de la Ve république ». « Ce sera un casse-tête chinois. », promet-il. Un autre député Ensemble qui préfère taire son identité « vu la tension » au plus haut sommet de l’État, résume la situation : « On a besoin de quelqu’un qui va mettre les mains dans le cambouis, avec du poids et un grand sens politique, pour négocier en permanence ». Et le parlementaire, réélu dimanche, d’ajouter, presque désolé : « Pour l’instant, je ne vois pas comment elle peut réussir. »

Soutenue par la majorité de ses troupes

Force est de constater que la petite musique monte en Macronie. Édouard Philippe, dans des termes bien plus policés, laissait lui aussi entendre, mardi, la nécessité de « peut-être trouver des profils nouveaux » pour « entrer dans une logique de coalition ». Pour lui, disait-il, « il y aurait quelque chose de déraisonnable à donner le sentiment qu’on ne tire pas pleinement les conséquences des résultats de dimanche ». De quoi dessiner les contours d’un siège éjectable ? Rien n’est si sûr. Malgré ce contexte délicat, Élisabeth Borne peut compter sur le soutien public de la majorité des personnalités de son groupe à l’Assemblée nationale, ou sur celui de son équipe gouvernementale. « Je suis avec la Première ministre qui s’appelle Élisabeth Borne et qui est la cheffe de notre majorité. », a par exemple tenu à insister Aurore Bergé, mercredi, devant les caméras après son élection à la tête des députés LREM au Palais Bourbon. 

« C’est la bonne personne, une négociatrice hors-pair. »

Guillaume Gouffier-Cha

Parmi ses défenseurs : Guillaume Gouffier-Cha. Pour le député LREM réélu dans le Val-de-Marne, Élisabeth Borne est parfaitement à sa place, contrairement à ce que lancent certains en privé ou le patron du MoDem en public. « C’est la bonne personne, une négociatrice hors pair. », avance-t-il, un brin agacé par les critiques internes : « Les français ne sont pas en attente de cela ». « Je pense que peu de responsables politiques peuvent revendiquer les mêmes résultats. », dit l’élu, en citant les dossiers épineux que la ministre a menés à bien, comme la réforme de la SNCF, convaincu que la cheffe du gouvernement doit rester à son poste. À cette question, d’autres préfèrent botter en touche. Ou refiler la patate chaude au locataire de l’Élysée, comme le signe d’une base si ce n’est instable, au moins friable. « Le choix du chef du gouvernement appartient à un seul homme, le président de la République. », rappelle opportunément le patron des députés Horizons, Laurent Marcangeli, dans le sillage de son chef Édouard Philippe, tout en affirmant qu’ « Élisabeth Borne n’est pas responsable des difficultés, elle ne porte pas entièrement le fardeau de la situation. »

Sondages inquiétants

« Ce n’est pas le sujet », ajoute sa collègue à La République en marche, Caroline Janvier, en pointant ce qu’elle voit comme le « réflexe pavlovien » de la classe politique : « On a une question, un défi posé au Parlement. Et la réponse que beaucoup donnent c’est de replacer le débat à l’Élysée ou à Matignon ». « Pour moi ce n’est pas la question. », affirme l’élue du Loiret sans s’appesantir sur les qualités dont doit faire preuve la cheffe ou le chef de la majorité. Il n’empêche, elle finira bien par se poser. Surtout au vu de ses premières semaines d’exercice, sanctionnées, trente-six jours après, par des sondages inquiétants. La nomination d’Élisabeth Borne a rapidement été brouillée par l’embarrassante affaire Abad, sur laquelle la Première ministre (désireuse de l’exfiltrer) s’est heurtée au refus du chef de l’État, ou la gestion du maintien de l’ordre aux abords du Stade de France lors de la finale de la Ligue des Champions. Contrainte d’attendre une majorité introuvable, la voilà qui dévisse dans les sondages. L’ingénieure, qui a commencé plus bas que les deux autres Premiers ministres sous Macron, chute de 7 points dans le tableau de bord Ifop-Fiducial pour Paris Match à 41% d’opinions positives. Le doute ne parcourt pas que la Macronie.

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