Photo : Le tennisman suisse, Roger Federer
Il n’y a pas que sur le court que Roger Federer était « parfait ». À 41 ans, le Suisse aux 20 titres du Grand Chelem et au revers légendaire a annoncé prendre sa retraite. Le tennisman suisse laisse derrière lui une immense carrière et une aura bien plus vaste que son sport. « Il a un service parfait, une volée parfaite, un coup droit plus que parfait, un revers parfait (à une main) ; il est très rapide. Tout est parfait chez lui ». Cette description du jeu « parfait » de Roger Federer, c’est son grand rival et ami Rafael Nadal qui l’a faite. Une manière de dire que personne ou presque ne peut rivaliser avec ce qu’a réussi à accomplir le tennisman suisse, qui a annoncé prendre sa retraite ce jeudi 15 septembre. Ces éloges, ils auront accompagné toute la carrière de Roger Federer. Par exemple chez Jimmy Connors, qui déclarait que « dans le tennis moderne, vous êtes soit un spécialiste de terre battue, soit un spécialiste de gazon, soit un spécialiste du dur. Ou vous êtes Roger Federer ». Même son de cloche du côté de l’ancienne joueuse Tracy Austin, qui assurait que « Roger est capable de pratiquer un tennis qui devrait être déclaré illégal… » ou chez John McEnroe : « Federer est le joueur le plus fantastique à regarder jouer au tennis. »
Un « magicien » venu d’une « autre planète »
Quant à la légende australienne Rod Laver, lui expliquait que « le meilleur moyen de battre Federer serait de le frapper sur la tête avec une raquette ». Et Andy Roddick d’utiliser une métaphore relativement explicite après sa défaite en finale à Wimbledon en 2004 : « Je lui ai balancé l’évier de la cuisine, mais il est allé chercher sa baignoire dans la salle de bain ». Tout cela sans même évoquer les innombrables qualificatifs dont a été affublé l’homme aux 20 titres en Grand Chelem : « magicien », « d’une autre planète » et donc « parfait ». Car si Nadal et Djokovic ont désormais plus gagné que lui dans les tournois majeurs (22 pour l’espagnol et 21 pour le serbe), dans les cœurs, le suisse restera partout le numéro un. À Wimbledon, son terrain de jeu préféré où il s’est imposé huit fois, à Roland-Garros où le public a été soulagé de le voir compléter sa collection de Grands Chelems en 2009, et dans tous les tournois où ses fans le soutenaient inconditionnellement, au besoin contre leurs nationaux. Car Federer avait tout les attributs du champion idéal, dont avant tout un jeu à nul autre pareil, esthétique, offensif, enthousiasmant par les risques qu’il comportait et les frissons qu’il faisait courir sur l’échine des spectateurs énamourés.
Pour ceux qui suivent le tennis de plus loin, le suisse est aussi une sorte de gendre idéal : amoureux depuis plus de vingt ans de la même femme, Mirka Vavrinec, une ancienne joueuse de tennis d’origine slovaque qu’il a rencontrée aux Jeux de Sydney en 2000, père attentionné de quatre enfants (des jumelles et des jumeaux), engagé dans l’action caritative, notamment en Afrique du Sud, le pays d’origine de sa mère, l’ami de Tiger Woods et de Pete Sampras fait presque l’unanimité, même chez ceux qu’il a martyrisés sur le court. « J’aimerais te détester, mais tu es trop sympa », lui avait aussi dit Roddick après une finale de Wimbledon. Le suisse a toujours aimé « donner l’image de quelqu’un de bien », y compris en soignant sa communication lors d’interminables séances d’interviews accordées sans rechigner dans les quatre langues qu’il maîtrise (suisse allemand, anglais, français, allemand). Comme lorsqu’il laissait transparaître toute son émotion en versant des larmes au sortir d’une victoire à l’Open d’Australie en 2018, ou au moyen de publicités émouvantes mettant en scène un affrontement avec un jeune protégé, Zizou. Son palmarès est gigantesque. Aux titres du Grand Chelem il faut ajouter six Masters, une Coupe Davis et même une médaille d’or olympique (en double avec Stan Wawrinka), l’or du simple restant le seul trophée important qui lui fasse défaut. Au total, il a raflé 103 titres sur le circuit de l’ATP et passé 310 semaines à la première place mondiale, un record que Djokovic a depuis spectaculairement porté à 373.
Un physique faussement ordinaire
Cette grandeur n’est pas tombée du ciel. Certes, le talent a été précocement détecté chez ce garçon né à Bâle en 1981. Mais ce « diamant brut à polir », selon sa propre expression, a dû réprimer un côté dilettante et une vilaine tendance à balancer sa raquette quand les choses ne tournaient pas comme il le voulait. C’est pour cela que, contrairement aux Borg, Connors, Sampras ou Nadal, il a dû attendre sa sixième année sur le circuit pour soulever son premier trophée majeur, sur l’herbe de Wimbledon en 2003, à presque 23 ans. D’un physique apparemment ordinaire (1,85 m) mais doté en réalité de qualités de vitesse et d’endurance exceptionnelles, il a eu l’avantage de n’être presque jamais blessé jusqu’à plus de 35 ans. Il a subi la première opération de sa vie, à un genou, en 2016, après s’être fait mal… en donnant le bain à ses filles. Federer était habité d’une intarissable soif de victoires. Aucun record ne pouvait rassasier son ego de champion et les années n’altéraient pas sa conviction qu’il pouvait toujours battre les meilleurs et gagner les plus beaux trophées. Il a approché des records de longévité (sa dernière victoire à l’Open d’Australie en avait fait le deuxième vainqueur le plus vieux d’un tournoi du Grand Chelem derrière Ken Rosewall) lorsque son genou récalcitrant a mis un terme à sa fabuleuse épopée, à 41 ans après, comme il l’a relevé « plus de 1500 matchs sur plus de 24 ans ». « Je connais les capacités et les limites de mon corps. Et récemment son message a été clair », a désormais expliqué le suisse, bientôt retraité et qui s’en va donc avec un palmarès et une aura légendaires.
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