Photo : Des secouristes russes recherchent des survivants dans la ville de Jableh, au Nord-ouest de la Syrie
Après le tremblement de terre en Syrie, ce lundi 6 février, les ONG sont confrontées à de multiples défis pour apporter leur aide à un pays en guerre depuis plus de 10 ans. Acheminer l’aide humanitaire dans le pays après le séisme, sera particulièrement compliqué. Pour les ONG, le plus difficile sera dans les territoires tenus par l’opposition à Bachar al-Assad. « Un enfant, qu’il vive ou non dans une zone contrôlée par le régime de Damas, a besoin d’être secouru ». Après le séisme qui a frappé la Syrie et la Turquie, faisant plus de 8.700 victimes, Bertrand Bainvel, Directeur régional adjoint de l’UNICEF au Moyen Orient et en Afrique du Nord, expose le défi posé aux organisations humanitaires : celui de venir en aide à un pays vivant sous le joug d’une dictature et en proie à une guerre civile.
Depuis le début du conflit syrien en 2011, qui oppose les partisans du dictateur Bachar al-Assad et différents groupes rebelles, l’UNICEF apporte son soutien aux familles dans les zones contrôlées par le régime. Mais l’agence des Nations unies livre aussi en nourriture, eau, matériel, et médicaments, les enclaves du Nord-ouest de la Syrie tenues par l’opposition au régime. « L’aide doit être apportée partout, sans considération politique. », estime ainsi Bertrand Bainvel. « Délivrer une aide humanitaire est beaucoup plus compliqué que dans un pays où il n’y aurait pas de conflit existant. », explique d’abord le resonsable de l’UNICEF. Depuis 2011, l’assistance apportée à la Syrie est en effet régie par un cadre politique et sécuritaire très strict : « Le régime restreint l’émission de visas et le nombre d’organisations humanitaires qui entrent dans le pays ».
La France pourrait s’avérer moins présente
« La coordination de l’aide est extrêmement difficile en Syrie, nous devons intervenir sur un territoire partitionné par la guerre. », complète Louise Bichet. La responsable Moyen-Orient chez Médecins du Monde France, s’inquiète d’un séisme qui arrive au « pire moment », en plein cœur d’un conflit qui a déjà ravagé les infrastructures essentielles et rendu les réseaux d’eau défaillants. L’autre contrainte pour les associations humanitaires vient « des pays occidentaux qui ont imposé des sanctions au régime syrien et limitent donc les possibilités de livrer une assistance humanitaire. », déplore le Directeur général adjoint de l’UNICEF. Dès lundi, la France, l’Allemagne ou les États-Unis ont d’ailleurs promis de secourir les victimes syriennes sans pour autant déclencher immédiatement les secours. La France pourrait notamment s’avérer moins présente « que dans d’autres crises » dans la mesure où elle est « gênée aux entournures » d’aller dans un pays dont elle ne reconnaît pas la légitimité, explique à cet égard Emmanuel Dupuy, président de l’Institut Prospective et Sécurité. « C’est extrêmement important pour nous, acteurs humanitaires, d’intervenir sans considération de politique étrangère et on sera très ferme sur cette ligne-là. », appuie Louise Bichet.
L’unique corridor de Bab al-Hawa
L’aide apportée à la population syrienne est rendue encore plus difficile dans les zones rebelles. Ces dernières, notamment les provinces d’Idleb et d’Alep, ont été particulièrement touchées par le séisme. Les secousses ont démoli des quartiers entiers dans ces villes déjà fragilisées par les bombardements et la guerre, et 3.000 à 5.000 personnes pourraient encore se trouver sous les décombres selon le docteur Obeida Al Moufti de l’Organisation syrienne de secours médicaux. C’est surtout un problème logistique qui se pose dans ces enclaves rebelles surpeuplées de réfugiés. On décompte en effet dans cette zone un seul et unique couloir humanitaire pour acheminer de la nourriture et des fournitures. Il se trouve à la frontière turque et se nomme Bab al-Hawa.
Accès contesté
Or cet accès de Bab al-Hawa, administré par les Nations Unies, est contesté par Damas qui dénonce une violation de la souveraineté syrienne et menace de bloquer les échanges humanitaires. Depuis des années, le régime syrien réclame effectivement sa fermeture, et sa demande est soutenue par la Chine et Moscou au conseil de sécurité de l’ONU. Par ailleurs, l’ambassadeur syrien aux Nations Unies, Bassam Sabbagh, a affirmé lundi que le régime serait responsable de l’acheminement de toute l’aide humanitaire en Syrie, y compris dans les zones non contrôlées par le gouvernement syrien. « Malgré les déclarations et la pression exercée par le gouvernement syrien, il n’a pas le pouvoir de fermer cette zone de Bab al-Hawa. », tempère Louise Bichet. Outre ces différends diplomatiques, les températures glaciales en ce moment et les routes détruites entravent les efforts d’aide dans la Syrie tenue par des groupes rebelles. À cela s’ajoute une épidémie de choléra qui connaît une flambée depuis août 2022, et qui dissémine les réfugiés des camps vivant déjà dans des conditions extrêmement précaires.
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