Photo : Le journaliste le plus influent de Russie, porte-voix du Kremlin, Vladimir Soloviev (D), et le président russe, Vladimir Poutine (G)
Depuis un an, il dénonce régulièrement une Europe « nazie » et appelle à bombarder Paris, Berlin, Londres et Madrid… Cet homme, c’est Vladimir Soloviev, le « propagandiste en chef du Kremlin ». Personnage le plus influent de Russie, selon l’institut indépendant Romir, il officie sur la chaîne de télévision d’État Rossiya 1. Sur le plateau son émission Full Contact, il déverse quotidiennement sa haine contre l’Occident, l’Ukraine ou les opposants politiques en Russie. Loin de le contredire, ses invités n’hésitent pas à surenchérir. À l’image de ce parlementaire russe, Andrey Gurulyov, qui proposait début janvier dernier, de raser la France ou le Royaume-Uni de manière « préventive ». « Si on frappe la France une fois, ce sera la fin de tout ça. Tout le monde aura peur, je vous le dis, personne ne voudra aller en Ukraine. », arguait-il aux côtés de Vladimir Soloviev. « Pas besoin d’engager notre potentiel stratégique, nous avons assez d’armes pour détruire la France ou la Grande-Bretagne. », soutient Andrey Gurulyov.
Luxueux biens saisis
Accusé de corruption par la Fondation de l’opposant russe, Alexeï Navalny, il possède un patrimoine estimé au milliard de roubles, soit près de 13 millions d’euros. Ironiquement et malgré son dégoût des puissances européennes et occidentales, il était propriétaire de luxueux biens en Italie, dont une villa sur les rives du lac de Côme… Mais ces derniers ont été saisis dans le cadre des sanctions européennes contre la Russie. Vladimir Soloviev n’a pourtant pas toujours été le porte-voix du Kremlin. Jusque dans les années 2000, actionnaire du groupe pétrogazier russe Gazprom, il vantait même les mérites des valeurs démocratiques. En 2008, il soutenait ainsi que « quiconque tenterait de déclencher une guerre entre la Russie et l’Ukraine est un criminel sans aucune mesure ». Mais lorsque la Russie envahie la Crimée en 2014, il enterre tout ce qui lui restait de ses valeurs déontologiques. « La Crimée et Sébastopol font à nouveau partie de la Russie. La justice historique a prévalu. », juge-t-il alors. Quelques mois plus tard, il est distingué (comme on peut le voir dans l’image ci-dessous) par Vladimir Poutine lui-même pour sa couverture de l’évènement.
« Moscou. Kremlin. Poutine. »
Depuis, il déroule sans contradiction les narratifs du Kremlin et voue un véritable culte au président russe. Depuis 2018, il présente même « Moscou. Kremlin. Poutine », une émission hebdomadaire entièrement consacrée à l’activité du chef d’État russe, Vladimir Poutine, sur la semaine écoulée. La presse et l’opposition, très critiques du ton employé par le présentateur et ses invités, jugent alors que le programme marque une résurgence du culte de la personnalité en Russie. Vladimir Soloviev n’hésite pas non plus à s’affranchir de la vérité. Un projet européen de lutte contre la désinformation, EuvsDisinfo, lui attribue pas moins de 195 fausses informations entre 2015 et 2021. Aujourd’hui interdit de séjour dans l’Union Européenne (UE) et aux États-Unis, Vladimir Soloviev n’adoucit pas son discours, bien au contraire.
Baisse d’audience
À mesure que la guerre dure en Ukraine, il radicalise son discours et n’hésite plus à faire des références débridées à l’arme atomique, qui serait selon lui le seul moyen d’en finir avec cette guerre qui s’enlise : « Pourquoi diable avons-nous un stock d’armes nucléaires tactiques et stratégiques ? Pour avoir peur de l’utiliser ? », se demandait-il début février, alors qu’il revenait du front. Les déclarations qui tranchent avec les menaces diplomatiques du Kremlin, mais qui ont des raisons d’inquiéter. S’il est difficile d’établir l’influence de son discours sur la population, l’institut indépendant Romir estime que l’audience a diminué de 25% sur les trois principales chaînes fédérales dépendantes du Kremlin, dont Rossiya-1, celle sur laquelle officie Vladimir Soloviev. Cette baisse d’audience sur les chaînes traditionnelles se fait toutefois au profit de la messagerie cryptée Telegram. Une tendance bien comprise par le propagandiste russe qui, selon une fiche du département d’État américain, diffuse son discours sur pas moins de 17 chaînes affiliées et touche ainsi une audience plus jeune, de plus en plus désintéressée par la télévision.
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