Ouvert le 17 décembre 2018, le procès ICC-Service « Madoff à la béninoise » relatif au scandale de placement illégal d’argent qui a fait des milliers et des milliers de victimes au sein de la population béninoise dans les années 2009, s’est poursuivi ce lundi 4 février 2019 à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) à Porto-Novo. L’élément important à retenir de l’audience de ce jour, lundi 4 février 2019, est ceci : « Le parquet spécial prendra les dispositions nécessaires pour poursuivre les sieurs Boni Yayi et consorts devant les juridictions appropriées car considérés comme co-auteurs et/ou complices dans l’affaire « ICC Service », a lâché en substance le procureur spécial, Gilbert Togbonon, près de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) à Porto-Novo.
Une audience compromettante pour l’ex-chef d’État béninois, Boni Yayi
Rappelons-le, lors de l’audience du vendredi 28 décembre 2018 à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), à l’entame, le procureur spécial Togbonon, a demandé une clarification sur une rencontre entre Guy Akplogan, le promoteur de ICC-Services et des partenaires israéliens, ayant porté sur des investissements BTP et santé en présence de l’ex-ministre de la santé Issifou Takpara. Ce que l’accusé (Guy Akplogan) a confirmé et a en plus approuvé que la rencontre était passée dans le journal télévisé du 26 janvier 2010 à la télévision nationale (ORTB).
À l’audience de ce jour là, vendredi 28 décembre 2018, le ministère public avait apporté une information qui faisait état d’une audience que l’ex-chef d’Etat béninois, Boni Yayi, a accordé à un consortium d’investisseurs israéliens en compagnie de Guy Akplogan en qualité de patron de ICC-Services. « Effectivement, on a rencontré le chef de l’État avec un consortium d’investisseurs », confirmait Guy Akplogan. A cette rencontre à la Marina, il a été question d’investissement dans les BTP et le secteur de la santé avec des partenaires d’une structure dénommée Paloma international. Il a été également question de sécurité des élections ; la présidentielle de 2011 étant à l’horizon.
A partir de cette audience, les questions fusent de part et d’autres pour comprendre si l’ex-chef d’État béninois connaissait ICC-Services ? Il n’y a aucun doute pour l’accusé Guy Akplogan. « Le chef de l’État connaissait la présence de ICC-Services, parce que j’ai appris que mon frère Tégbénou allait le voir ». Et à Tégbénou Emile, patron de la société nouvelle alliance du Bénin (SNAB) et co-promoteur de ICC-Services, de renchérir à l’affirmatif. « Il (le président Yayi, ndlr) savait déjà vers fin 2008. », précisait-il. » je partais là-bas (chez le chef de l’État) avec son frère Salomon Abou Yayi. », ajoutait-il.
Mais bien avant ça, à la veille, le jeudi 27 décembre 2018, devant la Criet, à la barre, c’était l’ex-ministre de la Justice du Gouvernement Yayi, Grégoire Akofodji, qui était auditionné. Les avocats de l’État béninois questionne l’ex-membre du Gouvernement de l’ex-chef d’État béninois, Boni Yayi, qui déposait devant la Cour de Répression et infractions économiques et du Terrorisme en qualité de sachant.
Les avocats assaillaient l’ex-ministre de la justice de questions, notamment sur les motifs pour lesquels le Gouvernement du président Boni Yayi accordait autant d’intérêt au dossier ICC-Services ? A cette interrogation, Grégoire Akofodji répondait que le Gouvernement ne pouvait rester insensible en raison de l’ampleur du scandale. « Il y avait une tension sociale », justifie l’ancien ministre qui expliquait à la Cour que le scandale posait à la fois un problème social et économique.
Combien de victimes le Gouvernement a-t-il dénombré ? Et quel est le montant total collecté par la structure ICC-Services ? « Avant mon départ (du Gouvernement, ndlr), personne ne pouvait dire avec exactitude le nombre de déposants ni la somme collectée », a répondu Grégoire Akofodji.
Cette réponse de l’ex-ministre de la justice ne satisfait pas les hommes en toge, qui disent ne pas comprendre pourquoi le Gouvernement qui s’est tant impliqué dans ce dossier ne pouvait avoir une idée du nombre de déposants et le montant collecté. Le ministre expliquait à ce propos que l’organisation « diffuse » de la structure ICC-Services empêchait le Gouvernement d’avoir avec précision des chiffres.
La Cour veut savoir si oui ou non, l’accusé Emile Tégbénou a-t-il été transporté au domicile de l’ancien ministre Grégoire Akofodji ? A Cet effet, elle a procédé à une confrontation entre le détenu Tégbénou et l’ex-ministre de la justice. Le promoteur de ICC-Services a persisté et signé qu’il a bel et bien rencontré l’autorité à son domicile. « Je ne peux jamais mentir », a juré Tégbénou. De quoi avait-il été question au domicile de l’ancien ministre ?, lançait la Cour. « Il m’a demandé si on me demande si je connais le président Boni Yayi, qu’est-ce que je vais dire ? Et je lui ai répondu que je ne peux pas dire non. Je suis allé plusieurs fois à la présidence et on m’a vu avec le président Yayi », déposait le promoteur de la structure illégale. Il assure qu’après cette déclaration, il a été retourné à la prison. La rencontre entre l’ex-ministre Akofodji et Tégbénou, à en croire l’accusé, aurait eu lieu en présence de l’ex-directeur général de la Gendarmerie nationale, le feu Général Rigobert Séwadé et du régisseur de la prison civile de Cotonou, Joël Gbégan. Me Cassa, avocat de la partie civile a souhaité que l’ancien régisseur de prison aujourd’hui en poste à l’ONU soit interrogé, soit physiquement ou par voie de vidéo conférence. Le ministère public a été instruit à cet effet. Quel intérêt le ministre avait-il à recevoir le prisonnier ? « Je n’avais aucun intérêt personnel », a répondu l’ancien ministre qui dit avoir reçu l’intéressé sans la présence de son conseil.
A la réponse de l’ex-ministre Akofodji, les avocats veulent savoir si Guy Akplogan, responsable de la structure ICC-Services, a été, lui, extrait ou sorti de prison ? « Il a été extrait », assure Grégoire Akofodji qui souligne que la rencontre avec Guy Akplogan était « informelle ». Rencontre informelle et extraction, il y a une contradiction, estime la Cour qui souligne qu’aucun juge ne peut accepter une extraction dans ces conditions. Mais l’ex-ministre jure qu’il s’agit d’une extraction et que les formalités auraient été remplies par ses collaborateurs mais dit assumer tout seul la responsabilité de cette extraction.
Guy Akplogan contredit Grégoire Akofodji. Invité une nouvelle fois à la barre pour répondre à une interrogation sur la tenue qu’il avait au domicile de l’ex-ministre, Guy Akplogan affirme contrairement à Grégoire Akofodji avoir été sorti et non extrait. « Je pense que j’ai été sorti », a-t-il déclaré. Car, explique-t-il, quand j’ai été sorti de la prison, dans le véhicule, le régisseur m’a demandé d’enlever ma tenue de prisonnier. La rencontre entre Guy Akplogan et Grégoire Akofidji, à en croire l’ex-ministre, a été sollicitée par Me Kato Atita, avocat du promoteur de la structure ICC-Services. L’homme de droit solliciterait une libération de son client afin que celui-ci rembourse les spoliés. « Est-ce une libération conditionnelle ou provisoire ? », cherche à savoir la Cour. Le ministre dit que ce qui importait pour le Gouvernement, c’était le remboursement des spoliés. Pour lui donc, si cette question était levée, il aurait sollicité par le biais du ministère public, la libération provisoire du client. Une déclaration qui a surpris la Cour qui a voulu savoir si le Gouvernement avait l’intention de s’immiscer dans la procédure judiciaire.
« Pourquoi le ministre Akofodji n’a-t-il pas renvoyé l’avocat Kato Atita devant le juge et a décidé de recevoir Guy Akplogan à son domicile ? », demande la Cour. « Je l’ai dit constamment ici. Je voulais me faire ma propre opinion », a soutenu Grégoire Akofodji qui ne voudrait pas que l’on cherche à mettre le doigt entre « l’arbre et l’écorce », faisant ainsi allusion à l’ancien ministre de l’Intérieur, Armand Zinzindohoué et l’ex-chef d’Etat béninois, Boni Yayi. Pour Grégoire Akofodji, il serait difficile de dire que c’est pour l’affaire ICC-Services que le président s’est séparé de son ministre de l’Intérieur d’alors.
Deux niveaux de défaillance, selon l’ancien ministre de la justice, Grégoire Akofodji
Sur les questions des avocats, l’ancien ministre Akofodji a reconnu qu’il y a eu défaillance de l’administration centrale béninoise dans la crise, et ce, à deux niveaux. A l’écouter, il y a eu une défaillance au niveau de la structure de surveillance des institutions financières décentralisées. Le second niveau, la « non gestion rapide » par le Procureur général de la demande formulée par le ministre Topanou. Le ministre assure qu’au moment du constat de ces défaillances par le Gouvernement auquel il a appartenu, « la crise était déjà là ».
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