Photo : La Première ministre française, Élisabeth Borne, présentant la réforme des retraites, le mardi 10 janvier
En France, le match n’est pas fini. En tout cas, c’est ce qu’espèrent les opposants à la réforme des retraites, qui est considérée comme définitivement adoptée, ce lundi 20 mars, avec l’échec des deux motions de censure déposées à l’Assemblée nationale. Au Parlement français, les groupes d’opposition de gauche et d’extrême droite font feu de tout bois pour bloquer par d’autres moyens la promulgation du texte. En parallèle, dans la rue et en attendant la nouvelle journée de grève jeudi 23 mars, la mobilisation s’accentue. « Dès jeudi soir (le 16 mars, NDLR), on a appelé à multiplier les grèves et à ce qu’il y en ait de plus en plus de reconductibles. C’est ce qui commence à se faire. », s’était réjoui le patron syndical de la CGT, Philippe Martinez, dimanche sur BFMTV. Paris, Nantes, Bordeaux… Un peu partout en France, des rassemblements spontanés ont eu lieu tout le week-end dernier, en dépit des interdictions préfectorales.
L’opposition politique se frotte les mains. « Tant que la réforme à 64 ans est proposée, il faut continuer la mobilisation. », a exhorté Jean-Luc Mélenchon dans Le Grand Jury (RTL-LCI-Le Figaro). Philippe Martinez rappelle, lui, « qu’il arrive que des lois votées, promulguées ne soient pas mises en application », avec en creux l’exemple du CPE en 2006. Le leader syndical compte donc sur la rue (« le plus important » selon lui) pour faire reculer le gouvernement français. Mais pas seulement. « On a passé le relais aux parlementaires sur certaines procédures. », déclare le chef de file de la CGT.
Vers un RIP
« Demander aux citoyens ce qu’ils en pensent » est l’option la plus plébiscitée par les syndicats, du CGTiste Philippe Martinez au CFDTiste Laurent Berger. La proposition de loi pour un référendum d’initiative partagée (RIP), signée par 252 parlementaires de gauche, a tout leur soutient. Le texte devrait être examiné ce lundi par la présidente de l’Assemblée nationale française pour transmission au Conseil constitutionnel qui se prononcera sur sa recevabilité. Si toutes les conditions sont remplies, le ministère français de l’Intérieur organisera pendant neuf mois une campagne afin de recueillir les signatures d’un dixième du corps électoral, soit plus de 4,5 millions de français. Le pari n’a jamais été atteint à ce jour, mais Philippe Martinez l’assure, les syndicats sont prêts à se mobiliser pour y arriver.
Pas la dernière
Cette étape n’est pas gagnée et ce n’est pas non plus la dernière pour imposer un référendum. Néanmoins, une mobilisation massive autour du RIP n’est pas sans valeur. Mi-mars, la députée Valérie Rabault rappelait l’épisode de la privatisation des Aéroports de Paris avec un RIP qui avait récolté plus d’un million de signatures. Sur fond de début de crise sanitaire en mars 2020, le gouvernement français avait fini par renoncer au projet. Dans le cadre d’une réforme des retraites encore plus controversée que la privatisation d’ADP, le million de signatures paraît une formalité, celui des deux millions étant envisageable. Il illustrerait encore une fois le rejet massif de la population au recul de l’âge légal et porterait un nouveau coup symbolique au gouvernement d’Élisabeth Borne.
Aller plus vite que le RIP
Le RIP a néanmoins une faille : ses (très) longs délais de mise en œuvre, sachant que ceux-ci ne bloquent théoriquement pas le texte. En parallèle, certains parlementaires misent donc sur d’autres procédures qui obligent à des réponses beaucoup plus rapides. La première intervenait ce lundi, avec le vote des deux motions de censure déposées à l’Assemblée nationale. C’est un échec. « Il faut que le gouvernement prenne obstacle après obstacle jusqu’à ce qu’il retire sa réforme. », anticipait le député insoumis Éric Coquerel sur franceinfo dimanche. L’un a été évité de justesse, le prochain est tout trouvé.
Fabius aux manettes
Il se cache au 2 rue de Montpensier, dans le centre de la capitale française, Paris, et les prochaines semaines vont y être très occupées. Car avant de se pencher sur le RIP, le Conseil constitutionnel présidé par Laurent Fabius devra se saisir des recours que la gauche et le RN vont déposer dans les prochaines heures. Pour bloquer la promulgation de la loi, la saisine du Conseil constitutionnel doit avoir lieu dans les quinze (15) jours qui suivent l’adoption. Les neuf sages auront un mois pour statuer (ou huit jours si le gouvernement l’exigeait). Le président du groupe PS à l’Assemblée, le député Boris Vallaud, indique que le recours de la gauche portera aussi bien sur le fond du texte, que sur le véhicule législatif choisi (un budget rectificatif de la Sécurité sociale, PLFRSS) qui s’apparente selon lui à un « cavalier législatif », ainsi que sur la sincérité du débat parlementaire dont la durée a été contrainte par l’exécutif. Pour quelles chances de victoire ? Auprès de franceinfo, le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier estime qu’« il y a des interrogations qui se posent ». Il évoque « l’accumulation » des procédures pour accélérer les débats ainsi que le choix d’un texte sur les retraites via un PLFRSS. « Le Conseil constitutionnel aura donc à apprécier s’il faut censurer partiellement, totalement, ou si par un certain nombre d’interprétations, le texte est dans les clous constitutionnels. », ajoute-t-il.
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