La nouvelle chaîne de télévision de l’Alliance des États du Sahel (AES) a fait une entrée remarquée dans le paysage audiovisuel africain. Diffusée sur Canal+ au numéro 699, le bouquet français du groupe de l’homme d’affaires Vincent Bolloré, elle bénéficie d’une visibilité exceptionnelle, à la mesure de l’implantation du distributeur dans des millions de foyers à travers le continent. Ce lancement intervient pourtant dans un contexte diplomatique des plus tendus. Entre les États membres de l’AES (le Burkina-Faso, le Mali et le Niger) et la France, la relation est désormais marquée par une rupture assumée.
Canal+, propriété d’un groupe français
Coopération militaire interrompue, partenariats institutionnels gelés, discours politiques virulents : les liens ont été coupés sur presque tous les plans. Une situation résumée par une formule devenue récurrente dans les chancelleries africaines : « je t’aime moi non plus ». Dès lors, une question s’impose : comment comprendre que Canal+, propriété d’un groupe français, offre un canal de communication aussi puissant aux autorités militaires de l’AES, souvent accusées par leurs détracteurs de diffuser des messages de propagande ? La réponse n’est pas à la rédaction differenceinfobenin.com et celle du journal quotidien « Différence Info » du Groupe de presse « DIFFÉRENCE », ici à Porto-Novo.
Un levier stratégique majeur
Pour les régimes en place à Ouagadougou, Bamako et Niamey, cette exposition médiatique représente un levier stratégique majeur pour toucher l’opinion publique nationale et régionale, mais aussi la diaspora. Le paradoxe est d’autant plus frappant que ces mêmes pays ont récemment expulsé les médias publics français RFI et France 24, accusés d’hostilité et d’ingérence. Une décision qui avait été présentée comme un acte de souveraineté informationnelle. La présence d’une chaîne de l’AES sur un bouquet français ravive ainsi le débat sur la cohérence de cette ligne politique et sur les intérêts économiques qui continuent de circuler en marge des ruptures diplomatiques.
Coopération militaire étroite avec Paris
Au-delà de la France, l’AES entretient également des relations conflictuelles avec plusieurs pays de la sous-région, notamment ceux de la CEDEAO, organisation qu’elle a quittée. Les autorités de l’Alliance reprochent à certains États membres de maintenir une coopération militaire étroite avec Paris. Les frontières du Burkina-Faso et du Niger avec le Bénin restent ainsi fermées. Niamey et Bobo-Dioulasso accusent Porto-Novo d’abriter des forces françaises chassées de leurs territoires et de servir de base arrière à des tentatives de déstabilisation (des accusations que le Bénin réfute).
Rapports entre pouvoir, information et influence
Dans ce contexte de recomposition géopolitique et médiatique, la diffusion de la chaîne de l’AES sur Canal+ apparaît comme un symbole des ambiguïtés actuelles : une Afrique sahélienne en rupture politique avec la France, mais encore insérée dans des circuits économiques et médiatiques hérités de relations anciennes. Une situation qui alimente interrogations et controverses, et qui illustre, une fois de plus, la complexité des rapports entre pouvoir, information et influence sur le continent.



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