(Photo : Roger Gbégnonvi, Professeur et écrivain béninois)
De la République avortée de l’Ataborg à la présente crise politique dont il s’efforce d’émerger, le Dahomey-Bénin fut parfois au pied du mur ou en zone de turbulence, tel un navire sur une mer agitée. Il tangue dangereusement. Les passagers ont le mal de mer, mal au cœur, ils sont littéralement écœurés. Mais les efforts du capitaine soutenus par ceux de marins avisés conduisent finalement à bon port le « bateau ivre ». Jamais donc le Titanic, mais toujours le pays à nouveau retrouvé. Et le Bénin peut arborer aussi, l’emblème en moins, la devise de Paris : « Fluctuat nec mergitur », il est battu par les flots mais ne sombre pas.
Cela dit, l’actuelle turbulence, quand le pays en émergera, risque de laisser en rade nos concitoyens en exil. Or ils font partie du problème. De leur propre gré, ils ont pris la clé des champs, n’ayant pas confiance en la Justice du Bénin. Cette méfiance et les chemins de l’exil sont à la portée d’infiniment peu de Béninois. Dame Akouavi n’y a pas pensé un seul instant. Jugée et condamnée pour avoir volé (?) un panier de tomates au marché Kpassê de Ouidah, elle a purgé 6 mois de prison ferme, sans jamais s’être demandé si elle devait avoir confiance ou pas en la Justice du Bénin. Au demeurant, aucun exil n’est un luxe, c’est une errance volontaire que l’on s’inflige, quand on en a les moyens, pour attendre, dans l’angoisse, le retour au pays. Errance volontaire. Et Nietzsche de s’interroger : « Et si pour sa doctrine quelqu’un se jette au feu, de quoi est-ce une preuve ? » Sa doctrine. Comme on dirait aussi, sa turpitude. Le farouche philosophe du tragique de l’homme enseigne qu’il faut affronter le destin avec le mâle courage du gouvernement de soi, qu’il faut faire face.
Convoqué par le Tribunal en 1996 pour avoir dissimulé (?) dans son parc automobile une voiture de l’Etat, Nicéphore Dieudonné Soglo se rendit à la convocation, accompagné – circonstances non préméditées mais glorieuses – par le peuple de Cotonou, furieux de tant de petitesse et que l’on traitât l’ancien Président de la République avec autant de bassesse. Mais Nicéphore Dieudonné Soglo ne se déroba point. Ses collègues non plus ne se dérobèrent : Richard Nixon et Bill Clinton aux Etats-Unis, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy en France. Ils firent face. Car la Justice de leur pays ne peut pas être mauvaise pour eux, les « puissants », les happy few, et bonne pour les « misérables », la foule des misérables.
En tout état de cause, nos concitoyens partis récemment en exil doivent revenir, pour le Bénin à nouveau retrouvé. On imagine Nicéphore Dieudonné Soglo en mission de bons offices pour cette cause noble d’un retour au pays, sans mépris et sans humiliation. Oui Mr le Président, vous parlez avec votre actuel successeur et obtenez de lui qu’il n’empêche pas un jugement équitable, qu’il respecte la séparation des pouvoirs en ne se mêlant pas des affaires du Judiciaire. Cela obtenu, vous partez, en messager de la Justice, ramener au pays, sans tambour ni trompette, nos concitoyens partis en exil. Certes, la navette répétitive entre prison et parquet ne sera pas pour eux un luxe, mais pas non plus l’errance stérile de l’exil, puisqu’ils seront chez eux, entourés de l’affection et du soutien des leurs.
Et si le verdict final venait à leur être défavorable, ils savent que le Chef de l’Exécutif a le pouvoir de prononcer des remises ou des adoucissements de peine les 31 juillet et 31 décembre. Ils savent qu’ils pourront bénéficier de cette faveur beaucoup plus facilement que le Béninois lambda. La ci-dessus dame Akouavi, revendeuse de tomates, aurait eu besoin de la grâce présidentielle pour compenser la presque absence d’une défense crédible au moment de son procès. Mais elle appartient à la foule des misérables. Elle n’y songea pas. Personne n’y songea pour elle.
En tout état de cause, nos concitoyens partis récemment en exil doivent revenir, pour le Bénin à nouveau retrouvé.
Par le professeur Roger Gbégnonvi, écrivain.
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