Les militaires maliens mécontents du nouveau gouvernement ont emmené de force le président Bah Ndaw et le Premier ministre Moctar Ouane. C’est bien ce qu’il faut retenir de l’annonce faite lundi 24 mai par les autorités de transition. Ces dernières affirment avoir emmené de force le président et le Premier ministre au camp militaire de Kati, à quelques kilomètres de Bamako, la capitale du pays, dans un coup de force secouant le pays plongé dans une crise profonde. L’Organisation des Nations-Unies (ONU) de grandes organisations africaines, la France, les États-Unis et d’autres ont condamné dans la foulée la situation et ont rejeté par avance tout fait accompli, y compris une éventuelle démission forcée des dirigeants de transition arrêtés par des militaires. Dans un communiqué commun, ils « exigent la libération immédiate et inconditionnelle » du président et du Premier ministre. « Le président et le Premier ministre sont ici à Kati pour des affaires les concernant », a dit un haut responsable militaire. Un responsable du gouvernement, s’exprimant aussi sous le couvert de l’anonymat étant donné le caractère sensible de ces informations, a confirmé que les chefs de l’exécutif de transition, le président Bah Ndaw et le Premier ministre Moctar Ouane, avaient été conduits à Kati, haut lieu de l’appareil militaire malien. C’est là que le président élu Ibrahim Boubacar Keïta « IBK » avait été conduit de force le 18 août dernier par des colonels putschistes pour annoncer sa démission. Ce sont semble-t-il les mêmes colonels qui sont à la manœuvre neuf (09) mois plus tard. Leurs intentions ne sont pas connues. Rappelons qu’en 2012, le Premier ministre Modibo Diarra, arrêté par des putschistes, avait été forcé à la démission. Peu auparavant, le Premier ministre de transition avait indiqué avoir été emmené lundi sous la contrainte par des soldats chez le président Ban Ndaw. « Je confirme : des hommes de Goïta sont venus me chercher pour me conduire chez le président qui habite non loin de ma résidence. », a dit Moctar Ouane, en faisant référence à l’homme fort malien, le colonel Assimi Goïta, actuel vice-président de la transition. La conversation s’est ensuite interrompue.
Toujours dominé par les militaires
Ces évènements sont survenus quelques heures seulement après l’annonce d’un nouveau gouvernement, que dominent toujours les militaires, mais dont ont été écartés des officiers proches de la junte qui avait pris le pouvoir après le coup d’État d’août 2020 et dont Assimi Goïta était le chef. Les colonels avaient installé au bout de quelques semaines des autorités de transition, dont un président, Ban Ndaw (militaire retraité), et un gouvernement dirigé par Moctar Ouane, un civil. Ils s’étaient engagés, de mauvais gré et sous la pression de la communauté internationale, à rendre le pouvoir à des civils élus au bout de 18 mois, et non pas trois ans comme ils l’estimaient nécessaire. Confronté à une contestation politique et sociale grandissante, le Premier ministre a présenté il y a dix jours la démission de son gouvernement et a été reconduit immédiatement dans ses fonctions par le président de transition Ndaw, avec la mission de former une équipe d’ouverture. La grande inconnue était la place qui serait faite aux militaires, en particulier aux proches de l’ancienne junte, et l’inquiétude est allée grandissant ces derniers jours que les colonels ne se satisfassent pas des choix de Moctar Ouane. Dans le gouvernement annoncé par la présidence de transition, des militaires détiennent toujours les ministères de la Défense, de la Sécurité, de l’Administration territoriale et de la Réconciliation nationale. Mais, parmi les changements annoncés dans un communiqué lu à la radiotélévision publique, deux membres de l’ancienne junte, les colonels Sadio Camara et Modibo Kone, quittent leurs portefeuilles respectifs de la Défense et de la Sécurité. Ils ont été remplacés respectivement par le général Souleymane Doucoure et par le général Mamadou Lamine Ballo. Le nouveau gouvernement accueille également (à l’Éducation et aux Affaires foncières) deux ministres membres de l’Union pour la République et la Démocratie (URD), principale force politique du Mouvement du 5-Juin (M5), le collectif qui avait animé la contestation ayant débouché sur le renversement du président Keïta.
Message ferme
« Par ce remaniement, le président de transition et son Premier ministre ont voulu lancer un message ferme : le respect du délai de la transition reste la priorité. », à en croire une source proche de la présidence ayant requis l’anonymat. Selon cette source, « un réajustement était nécessaire aux postes de là Défense et de la Sécurité », dont les nouveaux titulaires « ne sont pas des figures emblématiques de la junte ». Il faut indiquer que mi-avril, les autorités de transition ont annoncé l’organisation le 31 octobre d’un référendum sur une révision constitutionnelle promise de longue date et ont fixé à février-mars 2022 les élections présidentielle et législatives à l’issue desquelles elles rendraient le pouvoir à des dirigeants civils. Le doute persiste toutefois quant à leur capacité à tenir leur programme, a fortiori dans un contexte où les violences jihadistes et autres continuent sans relâche, où la contestation politique se fait à nouveau jour et où s’accumulent les signes de grogne sociale. Il convient de souligner que le Mali, pays de 19 millions d’habitants, et ses voisins nigérien et burkinabè sont pris dans un tourbillon de violences jihadistes, intercommunautaires ou autres qui ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés.
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