Photo : L’attaquant français Karim Benzama
Ce jour, est un jour spécial pour un grand homme du football français, européen et mondial : Karim Benzema « KB9 ». En effet, ce mercredi 20 octobre, s’ouvre devant le tribunal de Versailles, en France, le procès de l’« affaire de la sextape » alors que Karim Benzema est en lice pour le Ballon d’Or. Un grand écart à l’image de sa carrière. D’accomplissement sportif en polémique judiciaire, de mise à l’écart en triomphe collectif, la carrière de Karim Benzema est faite de hauts et de bas. Avec en cette fin d’année 2021 ses splendides performances sportives assombries par l’ouverture de ce procès de la tristement célèbre « affaire de la sextape ». Il est à la fois vilain petit canard et cygne majestueux. Depuis ses débuts en 2005, Karim Benzema enflamme les amoureux de football à chaque touche de balle, enquille les records et collectionne les trophées avec un appétit insatiable. Sauf qu’en même temps, il est aussi un protagoniste tristement récurrent des rubriques « faits divers » qui en fait une cible régulière de ses détracteurs souvent très à droite d’une partie de la population française.
Interminable feuilleton de chantage
Ce mercredi 20 octobre 2021 est le parfait exemple de tout cela. Ces jours-ci, à un mois de la remise du Ballon d’Or, l’attaquant du Real Madrid et de l’équipe de France figure parmi les principaux favoris de la récompense individuelle la plus prestigieuse du football mondial. Mais au même moment, la presse généraliste s’intéresse surtout à lui pour l’ouverture du procès de l’affaire de la sextape, interminable feuilleton de chantage qui aura accompagné pendant des années le parcours de « KB9 ». Car cette ambiguïté, et ces allers-retours incessants entre ombre et lumière ont toujours existé durant la carrière du brillant numéro 9. De ses débuts dans la banlieue lyonnaise jusqu’au titre en Ligue des nations qu’il vient de décrocher sous le maillot bleu, avant peut-être de viser une étoile mondiale lors de la Coupe du monde au Qatar fin 2022.
Karim Benzama, un nom, un livre de vie
2005-2008, les débuts en fanfare. Si l’on ouvre le livre de la vie de Karim Benzema, tout commence comme dans un conte de fées. En 2005, c’est avec l’Olympique Lyonnais (OL) où il évolue depuis ses 9 ans, à deux pas de chez sa famille d’origines algérienne installée à Bron qu’il fait ses débuts chez les professionnels. Avant de très rapidement s’imposer au sein d’un collectif pourtant pléthorique avec lequel il remportera d’emblée quatre titres consécutifs de champion de France. À 17 ans, il marque en Ligue des champions au cours d’un match contre les Norvégiens de Rosenborg, et à 18, il est déjà convoqué en équipe de France tant il semble doué et promis à un avenir radieux. Et s’il reporte ces débuts à cause d’une cuisse douloureuse en décembre 2006, c’est pour mieux rebondir trois mois plus tard, inscrivant à 19 ans le seul but d’un France-Autriche pour sa première sélection. Des débuts idylliques qui le voient aussi, dès 2008, terminer meilleur buteur et meilleur joueur du championnat de France de Ligue 1 (à 20 ans donc). Seule déception dans ces années d’insouciance, une élimination sans marquer dès le premier tour de l’Euro 2008 au sein d’une équipe qui restait sur un parcours héroïque jusqu’à la finale de la Coupe du monde précédente.
2009-2010, les premiers tourments
C’est un an plus tard que tout s’accélère pour Karim Benzema. À l’été 2009, le jeune Rhodanien signe, juste après les superstars brésilien Kaka et portugais Cristiano Ronaldo « CR7 », pour le prestigieux Real Madrid. Sauf que l’acclimatation est compliquée et qu’il perd rapidement sa place de titulaire au profit de l’argentin Gonzalo Higuain. Si bien qu’il rate la sélection pour la Coupe du monde 2010. Un moindre mal puisque cela lui permet aussi d’éviter l’infamant barrage contre l’Irlande et l’épisode de la main de Thierry Henry, tout comme le déplorable épisode de la grève des Bleus à Knysna. Mais dans la foulée de ce Mondial dont il était absent, le jeune buteur va tout de même faire les gros titres. Car le 20 juillet 2010, l’« affaire Zahia Dehar explose ». Boum ! Ce jour-là, l’attaquant est mis en examen au côté de Franck Ribéry, soupçonné d’avoir eu des rapports sexuels tarifés avec la jeune femme, mineure à l’époque des faits reprochés. Il sera finalement relaxé de sollicitation en 2014, après des années de procédure et d’une polémique qui aura sans cesse été ravivée par ses détracteurs en écornant régulièrement l’image d’un sportif en pleine progression.
2011-2014, les hauts et les bas du buteur
Car, après les débuts difficiles à Madrid, un peu de persévérance et beaucoup de talent lui permettent de s’imposer en Espagne lors de la saison 2011-2012. Cette année-là, son club remporte le championnat en marquant l’ahurissant total de 100 points, et l’attaquant français inscrit plus de 30 buts en donnant une dizaine de passes décisives sur la saison. Mais on l’a dit, la carrière de celui qui devient « KB9 » est faite d’incessants hauts et bas. Et après cet exercice triomphant sous le maillot du Real suit un Euro 2012 décevant où il n’inscrit aucun but et n’empêche pas l’élimination des Bleus en quart de finale par l’Espagne. Et de mal en pis, il vit ensuite une interminable série de plus de 1200 minutes sans marquer avec l’équipe de France. Une période de disette qui verra, comme souvent tout au long de la carrière du numéro 9, l’extrême droite lui reprocher de ne pas chanter la Marseillaise et réclamer son remplacement.
La BBC
Sauf que dans le même temps, le garçon flambe avec le plus grand club du monde. En 2014, pour la première fois de sa carrière, au sein du formidable trio qu’il forme avec Gareth Bale et Cristiano Ronaldo (la BBC), il soulève la prestigieuse Ligue des champions, avant de porter le brassard de capitaine du grand Real pour la première fois. Et il s’offre derrière une participation à la Coupe du monde au Brésil dans la peau du patron des Bleus de Laurent Blanc, enchaînant les performances majeures au premier tour avant de tomber contre un gardien allemand, Manuel Neuer, en état de grâce. Sauf que là encore, une polémique vient érafler l’image du buteur lorsque des journalistes de L’Équipe accusent plusieurs de ses proches de violences durant le Mondial.
2015-2016, les nuages s’amoncellent
Une péripétie qui n’empêche pas Karim Benzema de porter pour la première fois le brassard de capitaine de l’équipe de France en mars 2015. Mais quelques mois plus tard, le 13 octobre exactement, l’affaire de la sextape de Mathieu Valbuena (dans laquelle l’attaquant est accusé d’avoir fait chanter son partenaire en équipe de France au sujet d’images compromettantes) vient tout chambouler dans la vie et la carrière de l’attaquant. Le 5 novembre, il est mis en examen et passe par la case garde à vue. Un mois plus tard, il est écarté de l’équipe de France par le président de la Fédération Française de Football, Noël Le Graët. Après de longs mois de doute quant à sa participation et alors que son contrôle judiciaire a été levé, il manque l’Euro 2016 disputé en France. En prime, il se retrouve embarqué dans une énième polémique quand Éric Cantona, autre gloire à l’histoire contrariée avec l’équipe nationale accuse de racisme Didier Deschamps pour expliquer la non-sélection de Benzema. Un avis partagé de manière plus nuancée par l’intéressé, qui évoque un sélectionneur ayant « cédé à une partie raciste de la France ».
Le K Benzama
L’affaire montre bien le décalage entre le temps sportif et celui de la justice, duel arbitré par un combat médiatique autour de l’image du footballeur. Ainsi, pendant des années et jusqu’au procès qui va s’ouvrir en cette fin d’année 2021, Mathieu Valbuena et Karim Benzema n’auront cessé de s’envoyer des piques et des tacles, à mesure de l’évolution du dossier et des actes judiciaires (comme ici, ici ou là). C’est aussi dans ce cadre qu’en 2017, un documentaire de Canal+ plutôt mélioratif est diffusé, « Le K Benzema » permettant au joueur de dire ce qu’il a sur le cœur par rapport à sa mise à l’écart. Un film qui fera (on se répète un peu) polémique, certains le jugeant trop favorable au joueur. Et cela sans même évoquer l’extrême droite qui profite d’un crachat en direction de la pelouse au terme d’une Marseillaise jouée en hommage aux victimes des attentats du 13-Novembre pour faire monter une polémique sans fondement, accusant l’attaquant français de ne respecter ni son pays ni les victimes.
2016-2019, la consécration, loin du cœur
Alors Karim Benzema prend ses distances avec l’environnement français et se consacre à ce qu’il fait de mieux. Et de quelle manière… Toujours au côté de Cristiano Ronaldo et Gareth Bale, et désormais entraîné par son « frère » et fervent défenseur Zinedine Zidane « Zizou » le Français signe un triplé rarissime en Ligue des champions, remportant le trophée en 2016, 2017 et 2018. La première année, il réussit sa meilleure saison personnelle avec le Real, soulevant donc la coupe aux grandes oreilles, inscrivant un record personnel de 24 buts en championnat et intégrant le top 10 des meilleurs buteurs de l’histoire de la Ligue des champions. La saison suivante, rebelote avec une nouvelle campagne victorieuse sur la scène européenne essentiellement marquée par un dribble d’anthologie réussi en demi-finale contre l’Atlético de Madrid. Un geste fabuleux, qui sera détourné sur les réseaux sociaux et notamment par le rappeur Booba pour tacler Olivier Giroud, Didier Deschamps et l’ancien Premier-ministre français Manuel Valls, toujours très critique de Benzema. Puis en 2018, pour sa troisième finale remportée consécutivement, KB9 profite d’une erreur du gardien de Liverpool et devient le premier Français à marquer à ce stade depuis Zidane en 2002. Malgré cela, alors que la procédure et les péripéties judiciaires se poursuivent concernant la sextape, « les Bleus, c’est terminé pour Benzema », continue de marteler Noël Le Graët en octobre 2019 (un an donc après que l’intéressé a manqué le titre de champion du monde de Bleus). Ce à quoi le buteur madrilène répond que lui seul décidera du jour de sa retraite internationale, signifiant qu’il reste à disposition de l’équipe de France…
2019-2021, le retour en grâce, mais…
Une affirmation qui se concrétise aussi sur le terrain. À l’été 2019, avec le déclin d’un Gareth Bale pas toujours concerné par le football et surtout le transfert de Cristiano Ronaldo loin de Madrid, Karim Benzema se retrouve seul aux manettes du club le plus titré d’Europe. Une position qu’il va instantanément faire fructifier, remportant le titre en championnat d’emblée. Meilleur joueur de la Liga en 2020, meilleur joueur du Real d’après les supporters, encensé par la presse qui lui attribue diverses récompenses pour sa saison… Il semble enfin reconnu pour ce qu’il est individuellement : un joueur de classe mondiale. Et cela porte ses fruits de l’autre côté des Pyrénées puisqu’après une seconde saison tout aussi accomplie dans le rôle du patron à Madrid (même si les titres sont moins au rendez-vous), Didier Deschamps se rend à l’évidence : il ne peut se passer d’un tel attaquant. Résultat : dans un étonnement général, le sélectionneur des Bleus et le buteur se parlent et orchestrent le retour en équipe de France du Lyonnais. Une fierté indicible pour Karim Benzema, qui apparaît transfiguré, prêt à tout pour servir son équipe nationale.
Premier trophée avec les Bleus en 2021
Si l’Euro 2020 est une déception collective, lui inscrit quatre buts cruciaux au cours du parcours des Bleus, et repart sur le même rythme après la compétition (9 buts et 7 passes décisives en huit matches de championnat cette saison, son premier trophée avec l’équipe de France A avec une performance majuscule face à l’Espagne en finale de la Ligue des Nations…). Sauf que… Comme au cours de toute sa carrière, Karim Benzema est encore rattrapé, en cette fin d’octobre, par les affaires. Et six ans après que l’affaire a été révélée au grand public, il va vivre (enfin) un procès pour l’histoire de la sextape. Devant le tribunal de Versailles, à 33 ans et alors qu’il semble jouer son meilleur football, Karim Benzama est poursuivi pour « complicité de tentative de chantage ». Des faits qu’il nie et un dossier dans lequel il a prévu qu’il comptait se battre, ravi de pouvoir enfin laver son nom. Un moyen peut-être, d’enfin mettre les ennuis derrière lui pour viser le Ballon d’or en novembre et un titre mondial avec les Bleus en 2022.
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