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Guadeloupe : L’heure est grave depuis trois jours dans la région, Ary Chalus affirme avoir alerté Emmanuel Macron

Photo : Les manifestants guadeloupéens


La situation est « tendue » en Guadeloupe. Depuis trois jours ce mercredi 17 novembre, l’île est à demi paralysée par une grève générale à l’appel d’associations syndicales et citoyennes. Lancée à l’origine contre l’obligation vaccinale des soignants, la mobilisation témoigne aussi de crispations anciennes et d’une colère latente, qui couve depuis bien plus longtemps. La grève générale a débuté lundi 15 novembre, avec le blocage d’axes routiers et des échauffourées entre des pompiers manifestants et les forces de l’ordre, avec des blessés légers des deux côtés, et autant d’interpellations. Le lendemain, mardi 16 novembre, une manifestation a rassemblé entre 300 et 400 personnes devant le Centre Hospitalier Universitaire (CHU), dont les accès ont été bloqués. Le CHU a d’ailleurs condamné des actes qui « perturbent le fonctionnement du principal établissement de soins » de l’île. Selon la direction du centre hospitalier, 566 suspensions ont été prononcées, alors que le taux de conformité avec l’obligation vaccinale est de 87%. Un seuil élevé, qui n’empêche pas la mobilisation de croître, portée par des associations syndicales et citoyennes, les pompiers et d’autres corps de métiers soumis ou non à l’obligation vaccinale.

« Ce blocage n’est pas seulement dû à cette obligation vaccinale, mais aussi à tous les problèmes (économiques, NDLR) que nous rencontrons. »

Ary Chalus

Mardi, des enseignants ont occupé le rectorat « en soutien aux collègues soignants de l’éducation nationale », qui devront également recevoir leur vaccin pour continuer à exercer. La mobilisation a aussi reçu le soutien du syndicat de la branche des produits pétroliers de l’UGTG, qui a du poids dans un territoire où la voiture reste le moyen de transport principal. Ce mercredi 16 novembre, le président de la Région Guadeloupe, Ary Chalus (vacciné, mais opposé à la vaccination obligatoire) a déclaré au micro de franceinfo être inquiet et avoir alerté de la situation « le président de la République et les membres du gouvernement en charge de la Guadeloupe »« Ce blocage n’est pas seulement dû à cette obligation vaccinale, mais aussi à tous les problèmes (économiques, NDLR) que nous rencontrons. », a souligné Ary Chalus. « Quand on impose une telle violence (la suspension pour refus du vaccin, NDLR) à des gens qu’hier on applaudissait, il est facile de comprendre que nous ne puissions pas rester sans rien dire et que nous soyons en colère. », a expliqué à la radio locale RCI, le délégué syndical de l’UTS-UGTG au CHU, Gaby Clavier.

« Nous subissons à mon sens beaucoup de mépris de l’hôpital, c’est pourquoi notre colère est en train de prendre de l’ampleur. Nous sommes encore plus déterminés. »

Gaby Clavier

Les partenaires sociaux sont visiblement en colère malgré la présence imposante de Coronavirus. « Nous subissons à mon sens beaucoup de mépris de l’hôpital, c’est pourquoi notre colère est en train de prendre de l’ampleur. Nous sommes encore plus déterminés. », soutient Gaby Clavier. Le pass sanitaire et surtout l’obligation vaccinale sont au cœur des revendications. Mais ces mots d’ordre ne sont que la manifestation d’un problème plus vaste : la perte de confiance dans la parole officielle publique. « On se dit que dans le temps, faire confiance à la parole officielle, ça ne nous a pas rapporté grand-chose. », peut-on encore noter. Rappelons qu’à la date du mercredi 10 novembre, seulement 36,01% de la population guadeloupéenne de plus de 18 ans avait un schéma vaccinal complet. Le taux, particulièrement faible, vaut régulièrement à la Guadeloupe (et aux collectivités et territoires ultra-marins dans leur ensemble) les remontrances du gouvernement français. En Martinique, une enquête a été lancée par l’ARS pour comprendre les réticences des Ultra-marins à la vaccination. Les causes sont diverses pour le député LREM, Olivier Serva, invité de BFMTV ce mercredi. « Globalement, l’affaiblissement de la parole de l’autorité publique. (…) En Guadeloupe, on a vécu la chlordécone, molécule terrible qui a empoisonné nos corps, nos chairs, nos mers, nos terres pour 700 ans. Et sur cela, l’État a dit qu’il n’y avait pas de problème que tout allait bien. », a-t-il dit.

Chlordécone et passé colonial français

Depuis, Emmanuel Macron a reconnu que « l’État doit prendre sa part de responsabilité », tout s’attirant les foudres des Ultra-marins et des scientifiques pour ses propos sur les conséquences terribles de ce pesticide sur la santé. Mais les longues années de silence, ainsi que les questions toujours pas réglées de la réparation, ont laissé des traces. « On a eu une dérogation pour la chlordécone (alors que le pesticide était interdit partout en France, les Antilles ont pu continuer à utiliser le produit quelques années supplémentaires, NDLR), c’est donc possible pour l’obligation vaccinale. », a fait valoir un syndicaliste guadeloupéen. Au-delà de ce scandale sanitaire longtemps passé sous silence, le passé esclavagiste français rôde encore. « Dès qu’on a l’impression qu’on veut nous contraindre, plus que nous convaincre, il y a une tension. », explique Olivier Serva. Quant au maire de la commune du Lamentin, parle de « plaies historiques toujours pas cicatrisées ». Un véritable terreau pour les manifestants alors que la population est « sensible à ce genre d’arguments » du fait du passé. « On se dit que dans le temps, faire confiance à la parole officielle, ça ne nous a pas rapporté grand-chose. », analyse Jocelyn Sapotille sur France Inter. Sur la même ligne, Ary Chalus évoque le dossier des sargasses (des algues toxiques envahissantes) sur lequel « on ne voit pas vraiment l’État bouger ».

« La France est diverse. On doit adapter pour pouvoir permettre de renouer le dialogue. »

Olivier Serva

Cette même parole officielle se veut en tout cas « très ferme ». Mardi, soit au deuxième jour de la grève général, le Porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, a mis en garde la « petite minorité qui essaye d’instrumentaliser » la situation. Dans la soirée sur la chaîne guadeloupéenne Canal10, le préfet de l’île, Alexandre Rochatte, a dénoncé une « récupération qui est plus politique que sociale » de la part de manifestants dans certains secteurs. Contrairement à la Martinique où les indicateurs épidémiologiques sont encore élevés, le report de l’obligation vaccinale est à ce stade exclu, a martelé le représentant de l’État en Guadeloupe. Cette fin de non-recevoir ulcère certains élus locaux, y compris au sein de la majorité LREM. Le député Olivier Serva a ainsi refusé de voter la loi du 5 août 2021 sur l’extension du pass sanitaire et l’obligation des soignants, faute d’une législation adaptée pour les Outremers où le taux de vaccination des soignants ne dépassait pas 20%, en pleine 5ème vague et avec une saturation hospitalière. « La France est diverse. On doit adapter pour pouvoir permettre de renouer le dialogue. », insiste le parlementaire de la majorité. Cette position est partagée par le candidat PCF à la présidentielle, Fabien Roussel. Dans un courrier adressé au Premier-ministre français, Jean Castex, le lundi 15 novembre, il plaide pour un « plan d’urgence pour les territoires d’outre-mer où le risque est immense d’un soulèvement populaire en outre-mer, synonyme de blocage économique et institutionnel ».

Il ne croit pas si bien dire. En Polynésie française, un préavis de grève générale a été lancé pour le 24 novembre prochain. Parmi les revendications : l’obligation vaccinale, mais aussi le pouvoir d’achat, entre autres. En Martinique, le report de l’obligation vaccinale n’a pas empêché l’organisation d’une opération escargot sur les routes dès le lendemain. Les participants réclament son abrogation pure et simple, mais la question du pouvoir d’achat a aussi (re)fait son apparition, rapporte Martinique La1ère. Comme un air de déjà-vu, douze ans après la mobilisation massive des Antilles en 2009. 

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