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Finale Mondial-2022 : « Pour rassurer quelqu’un après un échec, il faut se faire petit », l’attitude d’Emmanuel Macron analysée avec un psy

Photo : Le chef de l’État français, Emmanuel Macron, consolant Kylian Mbappé, au stade Lusail, ce dimanche 18 décembre


« Gênant », « lourd », « paternaliste »… L’attitude du président français, Emmanuel Macron, qui tente de consoler Kylian Mbappé sur le terrain de foot après la défaite de la France face à l’Argentine en finale du Mondial Qatar 2022, ce dimanche 18 décembre, a été grandement commentée. Au-delà des soupçons de récupération politique formulés par certains, elle pose cette question : comment réconforter quelqu’un qui vient de subir un échec douloureux ? Alors que les Bleus ont perdu leur finale à l’issue d’un match sous tension, Joseph Asgostini, psychologue clinicien et psychanalyste, détaille comment accompagner au mieux quelqu’un qui est confronté à une défaite ou un choc émotionnel important.

Laisser l’autre digérer la défaite

Tout est d’abord une question de timing, selon le professionnel. « Les premières minutes, les premières heures après un échec, on doit digérer. », souligne Joseph Asgostini. « La personne a tendance à se sentir dévalorisée, a peur du jugement des autres, peut même ressentir un rejet de la société. », ajoute-t-il. Et peut donc rejeter l’autre qui tente de le réconforter, d’où l’importance de lui laisser l’espace et le temps nécessaires. « Souvent, les gens nous disent très clairement qu’ils n’ont pas envie de parler, confirme le psychologue. La personne est dans l’hébétude, dans une espèce de sidération, un émoussement affectif parfois : elle ne ressent plus rien, elle est sonnée. », déroule le psychologue.

« Quand on échoue, on est toujours seul, c’est nous qui prenons l’échec et personne ne peut rien y faire. »

Joseph Agostini


Souvent, il faut tout simplement respecter la solitude de l’autre. « Quand on échoue, on est toujours seul, c’est nous qui prenons l’échec et personne ne peut rien y faire. », rappelle Joseph Agostini. « Et dans un sport collectif, c’est encore pire, car la personne va se sentir coupable de quelque chose. Les tirs au but, ça plonge les joueurs dans une solitude terrible. », affirme-t-il. Les premières émotions sont donc très brutes, sans capacité de nuancer. Il ne faut pas tout de suite essayer de donner du sens à la défaite. « C’est un moment chaotique, où l’on aime et on déteste, où l’on n’a pas envie de continuer, où l’on est dans une remise en question, un rejet, parfois de la haine… », développe Joseph Agostini. « Heureusement pour lui, Emmanuel Macron ne s’est pas pris un coup de boule. Ça aurait pu arriver. On a une conduite qui peut être très irrationnelle, quand on est très déçu. », relève le psychologue.

« On s’ajuste à la partition émotionnelle de l’autre, on se met en miroir : s’il est effondré, on l’est aussi. »

Joseph Agostini

Il faut donc s’adapter à l’état de la personne qui vient de subir un échec. « On s’ajuste à la partition émotionnelle de l’autre, on se met en miroir : s’il est effondré, on l’est aussi. », explique-t-il. « En revanche si la personne essaye de se récupérer et avec un optimisme, même plaqué, on ne la contredit pas. », complète Joseph Asgostini. Un tiers qui tente de nous réconforter peut être anxiogène ou source de colère quand il vient trop tôt ou s’il est en décalage avec la situation. Le pire, pour le psychologue, étant de plaquer sa propre expérience sur celle de l’autre, à coups de « ça m’est déjà arrivé » ou de « je sais ce que tu ressens ». Joseph Agostini insiste aussi sur le fait de ne pas donner de conseils tout de suite. « Pour rassurer quelqu’un après un échec, il faut être dans l’empathie et se faire petit : prendre le chagrin de l’autre et ne pas tirer la couverture à soi. », appuie-t-il. « Dire à quelqu’un ‘Je suis fier de toi’ ou faire des compliments juste après un échec, la personne ne peut pas l’entendre. », poursuit-il. La présence de l’autre, ses conseils, ses recommandations peuvent être « insupportables », « surtout quand cet autre n’a pas suffisamment d’expertise pour nous apporter une aide pragmatique. », ajoute-t-il. Parfois, selon le niveau de proximité que l’on a avec la personne, un geste d’affection peut remplacer des mots, « sauf si la personne, épidermiquement parlant, est neutralisée aussi ». Lui demander son avis avant de passer à l’acte peut être un bon indicateur.

Éviter le réconfort en public

Les scènes post-finale d’Emmanuel Macron tentant de réconforter Kylian Mbappé ont été filmées par les caméras du monde entier, une médiatisation qui pour le psychologue change également la donne. « C’est comme filmer une personne au moment où on lui offre un cadeau : qu’est-ce qui est le plus important ? Le plaisir de la personne ou la publicisation de l’événement ? », interroge Joseph Asgostini. Pour lui, « à partir du moment où on nous filme en train de soutenir quelqu’un, ce soutien n’a plus trop de sens ». C’est une manière pour lui d’orienter la peine de l’autre « à des fins narcissiques ». Le locataire de l’Élysée, en s’affichant sur le terrain en fin de match et en filmant son discours aux joueurs dans les vestiaires, n’a pas choisi le soutien discret. « Quelqu’un de moins dupe de notre société du spectacle l’aurait fait en catimini, confidentiellement, et ça aurait être vraiment adressé aux joueurs. », souligne Joseph Agostini. Et c’est à cela aussi qu’on reconnaît les vrais amis : « ce sont ceux qui vont vous appeler et pas ceux qui vont faire de grandes déclarations sur Facebook ».

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