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France : Ça pue à Paris, les éboueurs municipaux sont en grève

Photo : Des déchets ménagers près de la cathédrale Notre-Dame, à Paris, le lundi 13 mars, qui s’entassent sur le trottoir alors que les éboueurs sont en grève depuis le 6 mars. (ALAIN JOCARD / AFP)


Une opération nocturne. Alors que les déchets s’accumulent depuis maintenant neuf jours dans de nombreux arrondissements de Paris, certains habitants de la capitale française ont eu la surprise de voir, ce mardi 14 mars, leur rue désengorgée des détritus qui jonchaient jusqu’alors la chaussée. Ainsi, la grève des éboueurs contre la réforme des retraites n’a visiblement pas empêché le ramassage des ordures. Dans le VIe et le XVIIe arrondissement, comme en attestent les images de BFMTV tournées lundi 13 mars au soir ainsi que la vidéo partagée par Geoffroy Boulard, maire LR du XVIIe arrondissement de la capitale, ce sont des agents de sociétés privés qui se sont chargés des déchets de ces deux arrondissements. Une mission qui incombe pourtant d’ordinaire à la régie directe de la municipalité. Le maire du XVIIe arrondissement, en première ligne sur ce dossier, assurait d’ailleurs dans un message publié sur Twitter que « quatre (bennes) passeront ce soir » dans son arrondissement, comme dans le XVIe.

Qui est à la manœuvre ?

Des ramassages nocturnes qui intriguent forcément, surtout au regard du fonctionnement du ramassage des déchets à Paris, où la collecte s’organise de manière hybride selon les arrondissements. La moitié (IIe, Ve, VIe, VIIIe, IXe, XIIe, XIVe, XVIe, XVIIe, et XXe) est gérée par la régie directe de chaque municipalité d’arrondissement, quand l’autre moitié est déléguée à des opérateurs privés tels que Derichebourg, Veolia Otalia, Pizzorno ou Urbaser. « Quand un maire d’un arrondissement géré par la régie municipale en matière de propreté demande l’intervention d’une société privée pour désencombrer les rues, c’est in fine la maire de Paris qui prend la décision. », avait précédemment assuré Geoffroy Boulard à BFMTV. Ce qui rend les passages d’éboueurs privés dans des quartiers gérés par la régie publique encore plus étrange, puisqu’aucune mesure n’avait été officiellement prise jusqu’alors par la mairie de Paris. À l’inverse, face au mouvement de contestation entamé, le mardi 7 mars, la mairie de Paris s’est même dite « solidaire », la mairie de Paris n’a pas encore répondu à nos sollicitations sur ce sujet. En attendant, devant l’absence de réaction d’Anne Hidalgo et de ses équipes, certains maires d’arrondissement ont clairement affiché leur volonté de recourir au privé pour nettoyer leurs rues. Quitte à s’asseoir sur le droit de grève des agents de propreté.

« À la maire de Paris d’autoriser les maires d’arrondissements à pouvoir travailler avec des entreprises privées. »

Geoffroy Boulard

Lundi soir sur BFMTV, Geoffroy Boulard demandait par exemple « à la maire de Paris d’autoriser les maires d’arrondissements à pouvoir travailler avec des entreprises privées ». Et ce, après avoir indiqué qu’il avait d’ores et déjà « saisi le préfet pour qu’il réquisitionne des centres de traitement qui sont bloqués aujourd’hui » par les grévistes. Des blocages dans les centres de traitement et dans les garages municipaux qu’il voit comme une « atteinte au service publique, à sa qualité et à l’intérêt général », ce qui « oblige le gouvernement à débloquer ces incinérateurs ». Peu après cette prise de parole, les rues du XVIIe arrondissement ont donc en partie été désengorgées, sans que l’on sache pour l’heure si la mairie de Paris a elle-même pris la décision de recourir au privé, ou si l’initiative a été prise par la mairie LR du XVIIe sans respecter la procédure normale.

Vers des réquisitions ?

Rachida Dati, maire LR du VIIe arrondissement a sa petite idée sur la question, comme elle l’a indiqué à BFMTV, hier, mardi : « La maire de Paris a les moyens de demander la collecte des déchets, elle refuse de le faire. Je sais que le préfet de Police a sollicité Anne Hidalgo pour quelle demande une réquisition. Elle refuse de le faire ». Dès lors, dans un contexte de la grève contre la réforme des retraites, la question d’éventuelles réquisitions se pose forcément. Dans une telle situation, le Code général des collectivités territoriales précise que « lorsque l’interruption de la collecte des ordures ménagères résulte d’un mouvement de grève, il convient de veiller à concilier la valeur constitutionnelle du droit de grève […] et la ’sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte’ ». Les mairies du IXe et du XVIe arrondissement se sont donc manifestées lundi en saisissant le Préfet de police, le préfet de la région Île-de-France, la Directrice générale de l’Autorité régionale de Santé et la Maire de Paris Anne Hidalgo sur le sujet.

« La ville de Paris, malgré nos multiples demandes, refuse de faire appel à eux (les prestataires de collecte privés) et d’identifier des sites d’incinérations disponibles en région parisienne. »

Francis Szpiner

Comme le rappelle Francis Szpiner, édile LR du XVIe arrondissement de la capitale, dans son courrier adressé au Préfet de police de Paris, « la ville de Paris, malgré nos multiples demandes, refuse de faire appel à eux (les prestataires de collecte privés) et d’identifier des sites d’incinérations disponibles en région parisienne ». Et de demander par conséquent au préfet de « mobiliser, par tous les moyens […] les forces nécessaires à la résorption de cette situation ».

« Confronté à une accumulation de déchets donnant lieu à un risque grave et avéré de trouble pour la salubrité publique, le maire doit informer le préfet de département de la situation. », indique encore le Code général des collectivités territoriales. Ce qui peut ensuite permettre au préfet de « réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l’usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu’à ce que l’atteinte à l’ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées ». Ce qui pourrait bien avoir été le cas dans les arrondissements nettoyés lundi soir. Delphine Bürkli, maire Horizons du IXe, a invité à appliquer un « principe de solidarité » dans les arrondissements dépendants des grévistes avec la mise en place de « bennes des sociétés privées présentes dans Paris » pour ramasser les déchets. Ce qui implique « que les plannings de collecte soient réorganisés et orientés pendant 48 heures vers les arrondissements les plus impactés ».



Pour défendre sa proposition, l’édile philippiste met en lumière « l’atteinte grave à la salubrité et à la santé publique dans la capitale ». Un argument souvent entendu ces derniers jours, alors que les craintes sanitaires s’amplifient à mesure que les déchets s’accumulent sur la voie publique. De son côté, Rachida Dati souhaite plutôt que « l’État prenne ses responsabilités en raison de la carence de la maire de Paris et de l’irresponsabilité d’Anne Hidalgo et ses adjoints », mais elle a aussi questionné la responsabilité des grévistes : « Est-ce que le droit de grève c’est mettre en danger les autres ? De mettre en danger sanitaire et sécuritaire », tout en reconnaissant que les « éboueurs sont dans leur droit le plus légitime ».

Grève reconduite

Dans le VIe arrondissement de Paris, lui aussi en partie nettoyé de ses déchets lundi soir, Jean-Pierre Lecoq, maire LR là encore de l’arrondissement, avait déjà alerté le vendredi 10 mars sur les risques sanitaires grandissants. « La crise que nous avons connue récemment nous oblige et nous conduit à faire preuve de prudence », écrivait-il en référence au Covid-19.

Comme réponse, la mairie de Paris, par l’intermédiaire de son premier adjoint Emmanuel Grégoire, avait assuré lundi que « les interventions sont priorisées pour la salubrité publique : déblaiement des marchés alimentaires, enlèvement des sacs-poubelles au sol, sécurité des cheminements piétons », tout en indiquant que « la situation restera compliquée dans les prochains jours ».

Sollicité par des journalistes, ce mardi, le premier adjoint s’est voulu rassurant, affirmant que la Ville « met en place des mesures palliatives pour gérer les points d’urgence absolue » et que « c’est plus que le service minimum qui est assuré ». Pas sûr que cela soit suffisant, sachant que les éboueurs et agents de propreté de la Ville de Paris ont « voté la reconduction de la grève au moins jusqu’au 20 mars ». Au même moment, quelque 6.600 tonnes de déchets étaient recensées dans la capitale française, au 9ème jour de la grève.

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