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France : Gérald Darmanin demande à Anne Hidalgo de « réquisitionner » du personnel en réponse à la grève des éboueurs à Paris

Photo : Des rats se réjouissent de la grève des éboueurs, pendant que les déchets s’accumulent sur les trottoirs de Paris, ici le 10 mars (THOMAS SAMSON / AFP)


Gérald Darmanin prend les choses en main. En raison des « conditions sanitaires » régnant à Paris avec la grève des éboueurs, le ministre français de l’Intérieur a donné, ce mardi 14 mars, instruction au préfet de police de Paris, Laurent Nunez, de demander à la mairie de « réquisitionner » des moyens afin d’évacuer les ordures. D’après les médias français, notamment BFMTV et Politis, Gérald Darmanin aurait directement appelé la maire de Paris, Anne Hidalgo, dans la soirée. Si la mairie ne donne pas suite à la demande de réquisition, « l’État se substituera », a avancé l’entourage du ministre français de l’Intérieur. Ce qui signifie que l’État réquisitionnera des moyens pour collecter et évacuer les déchets.

« Il y a des règles et il faut maintenir un certain nombre de services publics essentiels pour la population. »

Olivier Véran
Olivier Véran

D’autres voix de l’exécutif français se sont fait entendre. « Il y a des règles et il faut maintenir un certain nombre de services publics essentiels pour la population. », a aussi insisté sur Europe 1, ce mercredi 15 mars, le porte-parole du gouvernement d’Élisabeth Borne, Olivier Véran. Anne Hidalgo « n’a pas le pouvoir » de réquisitionner les éboueurs et « ne compte pas demander » à l’État d’agir en ce sens, a répondu l’entourage de la maire socialiste dans la foulée. Elle aurait dit à Gérald Darmanin « qu’elle ne comptait pas lui demander de le faire et lui a conseillé de privilégier le dialogue plutôt que de passer en force. », ajoute la même source municipale.

Une question de santé publique

Dans un courrier mardi, la préfecture de police souligne pourtant, se basant sur le Code général des collectivités territoriales, que « la mairie détient la police de la salubrité sur la voie publique ». « À ce titre, il est de sa compétence de requérir une entreprise privée ou de réquisitionner les agents pour l’exécution de la mission d’enlèvement des poubelles et ordures. », ajoute la préfecture qui peut « dans un second temps » mettre en demeure la Ville de le faire. Si cette procédure « reste infructueuse, le préfet de police peut se substituer » à la mairie, « en cas d’urgence lorsque l’atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la sécurité publiques l’exige. », ajoute la préfecture. L’évaluation de la situation en matière de salubrité et de santé publiques revient à l’Agence Régionale de Santé (ARS), « service de l’État compétent en la matière. », indique encore la préfecture.

« La réquisition consiste à obliger des grévistes à venir faire leur travail : c’est une compétence de l’État sur un problème créé par l’État. »

Emmanuel Grégoire

Quelque 7.000 tonnes d’ordures non ramassées ont été dénombrées au neuvième jour de grève, selon le premier adjoint à la maire de Paris, Emmanuel Grégoire. « La réquisition consiste à obliger des grévistes à venir faire leur travail : c’est une compétence de l’État sur un problème créé par l’État. », a-t-il réagi, déplorant une « situation catastrophique créée par le gouvernement ». Il faut dire que les éboueurs et agents de propreté de la Ville de Paris ont, eux, annoncé qu’ils allaient prolonger leur grève « au moins jusqu’au 20 mars ». Mardi, le blocage de l’incinérateur d’Ivry-sur-Seine, au Sud de Paris, se prolongeait et les grévistes s’organisaient pour tenir les piquets de grève la nuit. « On bloque, mais on ne fait pas n’importe quoi. », dit Julien Lejeune, 44 ans, agent de la mairie de Paris chargé des eaux usées et délégué CGT. « On fait des tours de garde, on surveille qu’il n’y a pas de détérioration du matériel ni d’intrusion ».

700.000 tonnes de déchets traités chaque année

L’incinérateur d’Ivry (le plus grand d’Europe avec près de 700.000 tonnes de déchets traités chaque année et géré par l’opérateur public Syctom) est depuis le lundi 6 mars à l’arrêt, tout comme celui d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), également en grève. Celui de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) est en maintenance. Les grévistes disent se sentir « soutenus par la majorité de la population ». « On voit que l’opinion publique est de notre côté, ça fait plaisir. », dit Guillaume Konrad, 38 ans, chef de la permanence des égouts de Paris. « Même la police est passée hier (lundi) pour nous encourager. », assure-t-il.

Nantes, Rouen, Rennes aussi sous les déchets

Que les mécontents « s’adressent (au président) Emmanuel Macron pour qu’il abandonne sa réforme. », assène Régis Vieceli, Secrétaire général CGT de la FTDNEEA (Filière traitement, déchets, nettoiement, eau, égouts et assainissement) de Paris. La réquisition ne concerne pour l’instant que la capitale française, mais le mouvement affecte aussi certaines villes de province du pays. À Rennes, la grève a démarré lundi et la collecte n’a pu être effectuée mardi, selon le groupe Suez, qui en est chargé. La collecte est également perturbée à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor). Des actions ont également perturbé le ramassage des déchets à Nantes, ainsi qu’en Seine-Maritime. « Mardi matin, une centaine de manifestants ont bloqué les camions au centre de traitement des déchets de la Métropole de Rouen. », a assuré Gérald Le Corre de l’Union départementale CGT. La mairie de Paris, dont les agents gèrent le ramassage des ordures ménagères dans la moitié des arrondissements, se dit « solidaire » du mouvement social. Une position attaquée par le gouvernement français.

Un métier « dangereux et insalubre »

Mardi matin, le ministre français des Transports, Clément Beaune, a déclaré sur France 2 attendre de la maire de Paris « qu’elle prenne des mesures concrètes comme la mutualisation du ramassage et du stockage entre arrondissements, voire la réquisition »« La Ville met en place des mesures palliatives et c’est plus que le service minimum qui est assuré avec 23.000 tonnes ramassées sur 30.000 en dix jours. », a-t-il dit, reconnaissant avoir recours à des agents privés « sur des urgences absolues ». Dans le XVe arrondissement de Paris, l’opérateur privé Pizzorno, dont le garage dans le Val-de-Marne est bloqué par des étudiants et militants depuis plusieurs jours, a fait appel à des bennes de banlieue et de province pour procéder à la collecte, a assuré le maire LR de l’arrondissement, Philippe Goujon. Si la réforme est votée, éboueurs et agents d’assainissement devraient partir à la retraite à 59 ans au lieu de 57 actuellement. « Je rappelle que les éboueurs partaient 5 ans avant les autres à la retraite et ils continueront. », a tenu à souligner Olivier Véran.

Mais pour les grévistes, l’allongement de la durée de travail « impensable ». Ils avancent une « surmortalité » dans leurs professions et une espérance de vie très raccourcie par rapport à d’autres métiers. Julien Lejeune s’exclame : « Notre métier n’est pas seulement pénible, il est dangereux et insalubre ».

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