Appuyez sur “Entrée” pour passer au contenu

États-Unis – Présidentielle 2024 : Joe Biden est candidat, voici pourquoi se lance-t-il maintenant

Photo : Le président américain, Joe Biden, ici à la Maison Blanche, à Washington, le dimanche 7 août 2022 (STEFANI REYNOLDS / AFP)


Le 46ème président des États-Unis d’Amérique, Joe Biden, a annoncé, ce mardi 25 avril, qu’il se présentait à l’élection présidentielle de 2024, qui pourrait le voir affronter à nouveau Donald Trump. Le président démocrate a publié sur ses réseaux sociaux et YouTube une vidéo de trois minutes dans laquelle il officialise sa candidature, qui était devenue au fil des dernières semaines un secret de Polichinelle. L’occasion pour un spécialiste des États-Unis de décrypter cette candidature et ses enjeux, alors que l’élection américaine se tiendra dans 18 mois, soit le mardi 5 novembre 2024. Jean-Éric Branaa, maître de conférences à l’Université Panthéon-Assas Paris II, répond à la question qui brûle les lèvres de tout le monde entier, notamment celles des américains, à savoir : Pourquoi Joe Biden se lance-t-il maintenant ?

Anniversaire

Un souvenir de 2020 était dans la tête de Joe Biden. « Bien sûr, on a compris qu’il s’agit de coïncider avec l’anniversaire de sa candidature victorieuse de 2020. Mais selon moi, il n’avait pas besoin d’y aller si tôt. On nous explique que c’est pour ramasser de l’argent. Je pense que l’argent, il l’aurait quand même ramassé. Déjà la dernière fois (en 2020), c’était la campagne record avec un milliard de dollars chacun (avec Trump). Cette fois-ci, ils vont faire combien ? Je crois qu’aujourd’hui, aucun jeune électeur ne se satisfait de savoir qu’on dépense autant d’argent sur ça. Ce n’est pas raisonnable face aux urgences qu’il y a dans ce monde. », a d’abord fait savoir Jean-Éric Branaa. Alors, au sujet du contexte, est-il favorable pour lui, après ses 30 premiers mois de mandat à la tête de la première puissance mondiale ?

« Son mandat a pour l’instant été bon sur un point : ses deux grands plans qui ont été votés. »

Jean-Éric Branaa

Deux explications ressortent, à en croire le spécialiste« Son mandat a pour l’instant été bon sur un point : ses deux grands plans qui ont été votés. Le plan infrastructures qui a été fait de façon bipartisane et qui a lancé sa mandature, et le « Build Back Better Plan » (un gigantesque plan de réformes sociales et environnementales, NDLR). Ce sont deux réussites extrêmement notables. », a partagé Jean-Éric Branaa. « Mais une fois qu’on a dit ça, il y a un échec énorme dans sa politique : c’est de ne pas avoir réconcilié le pays, ce qui était sa promesse de départ de la campagne de 2020. D’où le nom « Finissons le travail », le slogan donné à sa nouvelle campagne, qui renvoie à la fois au plan économique et à la restauration du nom de l’Amérique sur la scène internationale, mais qui s’adresse en premier lieu à Donald Trump, qu’il n’a pas réussi à éjecter de la place publique. Ce dernier point, c’est effectivement la motivation première dans la décision d’y aller de Biden, qui pense être le seul capable aujourd’hui de battre Trump. », précise-t-il.

« On se demande si c’est Joe Biden ou Kamala Harris qui se présente quand on la regarde. Elle est beaucoup plus présente que lui. »

Jean-Éric Branaa

Au regard de ces premières explications, comment analyser la vidéo de candidature de l’actuel locataire de la Maison Blanche est une question qui vient immédiatement à l’esprit. Le spécialiste de l’Amérique voit une grande femme derrière un grand homme. « On se demande si c’est Joe Biden ou Kamala Harris qui se présente quand on la regarde. Elle est beaucoup plus présente que lui. C’est pour ça que je m’avance en disant que « finissons le travail », c’est aussi « avançons Kamala Harris sur la scène nationale et internationale ». Biden avait dit en 2020 qu’il voulait être celui qui permettrait à la jeune génération de devenir le futur de l’Amérique, et clairement, c’est elle qui représente ce futur. Ça avait été beaucoup dit qu’il se représenterait et qu’ensuite, il démissionnerait ou il mourrait, et donc il donnerait le pouvoir à Kamala Harris. On va donc beaucoup s’intéresser à elle durant ce possible second mandat et elle va être beaucoup attaquée durant la campagne. », développe Jean-Éric Branaa.

« Freedom »

Comme on le voit dans sa vidéo (à voir un peu plus bas), Biden refait par ailleurs la même campagne que 2020 : « c’est l’âme de la nation, il y a le diable en face (Trump), moi je suis le gentil, et donc sachez que vous devez voter pour le gentil parce que le diable il veut vous empêcher d’avorter, de lire les livres que vous voulez, de vous empêcher d’aimer qui vous voulez… », soutient Jean-Éric Branaa. Avec le mot « freedom », Biden est aussi sur les terres des républicains, dès le départ, sur leur thème favori. Quand le parti républicain dit « nous sommes le parti de la liberté », Biden attaque là-dessus : « l’enjeu maintenant, c’est les libertés, mais les libertés, ‘’c’est moi qui les défends’’. Et il peut le faire puisqu’il est président. C’est un hold-up réussi. Et puis on le voit avec ces images du Capitole dès le début de la vidéo, on ne cite jamais Trump, mais il est partout, dans la mauvaise image. », explique-t-il.

Personne n’a émergé côté démocrate

La place de Kamala Harris dans ce potentiel second mandat n’est pas passée inaperçue pour le spécialiste. « La numéro deux Kamala Harris était la seule postulante possible à part Joe Biden, car personne n’a émergé côté démocrate. Mais partir avec l’avantage d’être président est un meilleur calcul que de partir avec la numéro deux. ‘’Finissons le travail’’, ça pourrait aussi être un message qui dit ‘’propulsons l’Amérique du futur en orbite’’. Puisque si jamais Biden est à nouveau élu président, il aura 86 ans en sortant du pouvoir, s’il atteint cet âge-là. Un âge très avancé qui reste rarement atteint chez les hommes. Les américains voteraient donc pour Biden en ayant en tête qu’ils élisent en même temps Harris. », détaille Jean-Éric Branaa pour bondir sur la candidature démocrate de Robert F. Kennedy Jr (69 ans), le neveu de « JFK »« Ce n’est pas une candidature solide. C’est le complotisme côté gauche puisque c’est un antivax, qui a mené une guéguerre à Biden sur les vaccins contre le Covid. On dit que 12% des démocrates voteraient pour lui, ça ne va pas très loin. », a souligné le spécialiste.

« C’est une candidature personnelle qui vise à faire avancer ses idées. »

Jean-Éric Branaa

Et de celle de Marianne Williamson (72 ans), ancienne Conseillère spirituelle d’Oprah Winfrey a aussi été évoquée. « C’est une candidature personnelle qui vise à faire avancer ses idées. Elle récupère à chaque fois des donateurs. La dernière fois (qu’elle s’est présentée, en 2020), elle a quand même eu plusieurs millions de dollars. On ne sait pas trop pourquoi elle est là, mais elle va porter une image un peu plus progressiste. », a confié Jean-Éric Branaa. Selon lui, une primaire démocrate est nécessaire. « Face à Kennedy Jr et Williamson, Biden a tout intérêt à faire une primaire, mais elle sera terminée en cinq coups, après quelques États. Bernie Sanders n’est plus là, Elizabeth Warren n’y va pas… C’est sans danger pour Biden. On a parlé un instant d’Alexandria Ocasio-Cortez qui pourrait se lancer, mais elle aura à peine 35 ans depuis un mois (au moment du scrutin le 5 novembre 2024, l’âge plancher pour commencer à se présenter à la présidentielle américaine, NDLR). Elle est encore trop jeune. Pour l’instant, elle fait avancer ses idées et se consolide dans le parti démocrate côté progressiste. », a-t-il expliqué.

« Rien »

On ne peut « rien » attendre de la fin de mandat de Joe Biden, qui se termine dans 18 mois, d’après le spécialiste de l’Amérique. « Rien du tout. Aucune grande loi n’est envisageable. Le Congrès est partagé en deux. La bourse, ce sont les républicains qui l’ont. Il va y avoir la bagarre économique pour la dette, avec des républicains qui vont essayer d’aller au clash en faisant plier Biden, et peut-être un shutdown ou quelque chose qui va bloquer le pays. », a affirmé Jean-Éric Branaa expliquant comment va s’articuler la campagne présidentielle du candidat. « Je pensais qu’il allait attendre le mois de juin (pour se présenter). Il y va avant, il va aller au choc et à la bagarre. C’est un bagarreur Biden. On va donc avoir un peu de tension entre les deux camps. », soutient-il. « Il va maintenant faire le tour du pays en expliquant à chaque fois que s’il y a des ponts, des routes, de l’Internet qui est amené partout, c’est lui, c’est son plan (infrastructures, NDLR), et donc il va capitaliser là-dessus. Ce qui est très compliqué pour les républicains, car ils ne pourront pas dire que ce n’est pas vrai. Biden a du petit-lait là-dessus pour sa campagne. », ajoute Jean-Éric Branaa.

« C’est devenu très compliqué aujourd’hui pour DeSantis d’exister. »

Jean-Éric Branaa

Côté républicain, les chances de Ron DeSantis, qui devrait officialiser sa candidature en juin, sont-elles réelles face à Donald Trump ? « C’est devenu très compliqué aujourd’hui pour DeSantis d’exister. Les fanatiques républicains se sont en effet remis dans le camp Trump une fois qu’il y a eu l’attaque judiciaire contre lui (Trump a été inculpé fin mars pour avoir ‘’orchestré’’ des paiements afin d’étouffer trois affaires embarrassantes, NDLR). Ils se disent que tout ce que cherchent les démocrates, c’est de dégommer leur candidat (Trump) par la justice. Comment voulez-vous pour DeSantis récupérer ces gens-là maintenant alors qu’ils sont à nouveau avec Trump ? DeSantis, qui voulait attendre mi-juin pour se présenter, se trouve piégé maintenant. Et il ne peut pas attaquer Trump, en tout cas pas sur ses affaires de justice. Il a même été obligé de le défendre. À partir du moment où il le défend, il a l’air au-dessous. Trump reprend donc le leadership au sein du parti et DeSantis n’émerge plus. », a fait savoir Jean-Éric Branaa.

Deux ‘’vieux’’, deux titans

Le très probable nouveau duel Biden-Trump renvoie à une image. « On a deux ‘’vieux’’, deux titans qui sont l’un contre l’autre, mais qui ont tous les deux la stature de président. Ils ont l’expérience du pouvoir, de la scène internationale, ils peuvent proposer des choses en étant crédibles. C’est un gros match, mais ce n’est pas le match que les gens voulaient voir, car ce ne fait pas envie, et encore moins pour les moins de 35 ans. Comment ces deux-là peuvent les comprendre ? », s’est-il interrogé. « Faire déplacer les gens le jour du vote, ça va être difficile. C’est ça l’enjeu désormais : c’est de déclencher l’envie chez les gens. S’il y a un reflux (de votes) chez Biden (81 millions en 2020, NDLR), mais pas chez Trump (74 millions en 2020, NDLR), c’est Trump qui gagne. Et les affaires judiciaires vont peut-être ressouder encore plus les républicains et les amener encore plus à voter, d’autant plus que Trump fait moins peur aujourd’hui. », détaille Jean-Éric Branaa, rappelant aussi qu’« il y a cinq États très, très chauds qui ont élu Biden à moins de trois points de différence entre les deux candidats (Michigan, Wisconsin, Pennsylvanie, Géorgie et Arizona), et qu’il y en a d’autres qui deviennent menaçants comme le Nevada ».

Soyez le premier a laisser un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Mission News Theme by Compete Themes.