Photo : Le chef de l’État ougandais, Yoweri Museveni, ici, en juillet 2012
Le chef de l’État, Yoweri Museveni, a « promulgué » le texte, qui « devient désormais la loi anti-homosexualité 2023 ». Le président américain, Joe Biden, a dénoncé une « atteinte tragique » aux droits humains. L’annonce de la promulgation de cette nouvelle loi prévoyant de lourdes peines pour les relations homosexuelles et la « promotion » de l’homosexualité en Ouganda, suscite, ce lundi 29 mai, indignation et inquiétude, du monde entier, notamment des ONG locales jusqu’à la Maison-Blanche. La présidence ougandaise a annoncé que le chef de l’État, Yoweri Museveni, avait « promulgué » le texte, qui « devient désormais la loi anti-homosexualité 2023 ». La nouvelle a ravivé les craintes déclenchées en mars par le vote initial du projet de loi, qualifié alors par le chef du Haut-Commissariat de l’ONU aux Droits de l’Homme (HCDH), Volker Türk, de « texte discriminatoire – probablement le pire au monde en son genre ».
« Une attaque grave contre les droits humains »
Le HCDH s’est dit, ce lundi, « consterné » de voir entrer en vigueur ce projet de loi « draconien et discriminatoire », « contraire à la Constitution et aux traités internationaux », qui ouvre la voie à « des violations systématiques des droits des personnes LGBT ». Le président américain, Joe Biden, dénonçant une « atteinte tragique » aux droits humains, a demandé à ses services d’étudier les conséquences de cette loi sur « tous les aspects de la coopération entre les États-Unis et l’Ouganda », notamment l’aide et les investissements, selon un communiqué de la Maison Blanche. La directrice adjointe pour l’Afrique de l’ONG Human Rights Watch, Ashwanee Budoo-Scholtz, a déploré une « loi discriminatoire » et « un pas dans la mauvaise direction ». Amnesty International a fustigé « une loi profondément répressive » qui est « une attaque grave contre les droits humains ».
Peine de mort pour les récidivistes ?
Le texte avait été amendé à la marge par les parlementaires ougandais, à la demande du président Museveni. Les élus avaient notamment précisé que le fait d’être homosexuel n’était pas un crime, mais que seules les relations sexuelles entre personnes de même sexe l’étaient. Dans ce pays d’Afrique de l’Est où l’homosexualité est illégale, les « actes d’homosexualité » sont passibles de prison à perpétuité depuis une loi datant de la colonisation britannique. Les parlementaires ont maintenu une disposition faisant de « l’homosexualité aggravée » un crime capital, ce qui signifie que les récidivistes pourront être condamnés à mort. En Ouganda, la peine capitale n’est cependant plus appliquée depuis des années. Une ONG a annoncé avoir saisi la Haute cour de l’Ouganda sur cette loi « ouvertement inconstitutionnelle ». La criminalisation des activités entre homosexuels adultes consentants « va à l’encontre de dispositions clés de la Constitution, dont le droit à l’égalité et à la non-discrimination. », a jugé le Directeur Exécutif du Human Rights Awareness and Promotion Forum (HRAPF), Adrian Jjuuko.
Crainte d’une « justice populaire » et d’« arrestations massives »
Une disposition sur la « promotion » de l’homosexualité inquiète particulièrement les organisations de défense des droits. Selon le texte, quiconque (particulier ou organisation) « promeut sciemment l’homosexualité » encourt jusqu’à 20 ans de prison. S’il s’agit d’une organisation, elle risque 10 ans d’interdiction. « Nous nous sentons tellement, tellement, tellement inquiets. Cette loi va faire beaucoup de mal à la communauté LGBTQ ougandaise. », a déclaré le Directeur Exécutif de Sexual Minorities Uganda, organisation de défense des droits des homosexuels, dont les activités ont été suspendues par les autorités l’année dernière. Il redoute « une justice populaire et des arrestations massives ». Cette loi suscite également l’inquiétude des organisations humanitaires. « Les progrès de l’Ouganda dans sa riposte au VIH sont désormais gravement compromis. », affirment dans un communiqué trois organisations humanitaires, dont le Fonds Mondial de Lutte contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme et l’agence humanitaire américaine USAID.
Elles sont allées loin en prévenant que « le texte entravera l’éducation sanitaire et la sensibilisation qui peuvent aider à mettre fin au Sida en tant que menace pour la santé publique ». Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a jugé cette promulgation « déplorable ». « La promulgation de la loi contre l’homosexualité par le président ougandais Yoweri Museveni est déplorable. Cette loi est contraire aux droits humains. », a déclaré Josep Borrell sur Twitter. « Le gouvernement ougandais a l’obligation de protéger tous ses citoyens et de faire respecter leurs droits fondamentaux. S’il ne le fait pas, les relations avec les partenaires internationaux s’en trouveront compromises. », a-t-il ajouté dans un communiqué. Un député ougandais à l’initiative du texte a affirmé lundi s’attendre à des sanctions des pays occidentaux. « Ils vont couper des aides à l’Ouganda. », a déclaré Asuman Basalirwa à la presse, estimant qu’il fallait trouver de nouveaux « partenaires de développement », notamment dans le monde arabe.
« Protéger le caractère sacré de la famille »
La présidente du Parlement ougandais, Anita Among, s’est félicitée de la promulgation du texte par Museveni, qui qualifie lui-même l’homosexualité de « déviance ». « En tant que Parlement ougandais, nous avons tenu compte des préoccupations de notre peuple et légiféré pour protéger le caractère sacré de la famille (…) Nous sommes restés fermes pour défendre la culture, les valeurs et les aspirations de notre peuple. », a-t-elle déclaré dans un communiqué. Cette loi bénéficie d’un large soutien populaire et les réactions d’opposition ont été rares dans ce pays dirigé d’une main de fer depuis 1986 par Yoweri Museveni. L’homophobie est répandue en Ouganda, comme dans le reste de l’Afrique de l’Est. S’il n’y a pas eu de poursuites récentes pour des actes homosexuels, harcèlement et intimidations sont le quotidien des homosexuels en Ouganda, où s’est développé un christianisme évangélique véhément à l’égard du mouvement LGBT+.
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