Photo : Le président français, Emmanuel Macron, à son arrivée à La Busserinne, quartier populaire du Nord de Marseille, ce lundi 26 juin (Ludovic MARIN / POOL / AFP)
C’est une visite tous azimuts que le président français, Emmanuel Macron, a entamé, ce lundi 26 juin, dans la cité phocéenne. Trois jours grandeur nature, pour aborder tous les sujets du plan « Marseille en grand » qu’il a lancé voici deux ans au Pharo, déjà lors d’une visite de trois jours en 2021, ce qui rend ce déplacement inédit par son envergure pour un président de la République en exercice. « Chirac avait de l’affection pour Marseille, Sarkozy un petit peu, Hollande rien du tout. », décrit le président de la région Sud, Renaud Muselier, tout sourire et en bras de chemise, devant le chantier de la prison Baumettes 3, qui va ouvrir 700 places de prison flambant neuves dans les prochaines années. Une partie des réalisations de « Marseille en grand », 5 milliards d’euros qui induisent 15 milliards d’investissements avec les collectivités locales. Là encore, un budget grandeur nature et 44.000 emplois qui doivent en découler. « Marseille en a vraiment besoin. Elle n’a pas eu l’attention de l’État depuis Euroméditerranée (projet de développement urbain sur 480 hectares en 1995, ndlr). C’est une ville magique, pleine d’énergie, quand vous êtes la deuxième ville de France, c’est normal d’avoir l’attention du chef de l’État », poursuit l’ancien ministre de Jacques Chirac, très proche d’Emmanuel Macron.
Payan nie tout « chicayas » avec Macron
Le président de la République française a commencé sa visite par un échange avec le maire de la Ville, Benoît Payan, à huis clos. « On s’est dit des mots d’amour », ironise ce dernier, alors que l’organisation de ce voyage présidentiel a fait l’objet de tensions entre les deux hommes, immédiatement battues en brèche. « Il n’y a jamais eu des chicayas entre nous », évacue le maire issu du Printemps marseillais qui a pour enjeu de se faire élire sur son nom aux prochaines municipales de 2026 alors qu’il a remplacé au pied levé Michèle Rubirola après sa démission en 2020. « Tout le bilan de Payan pour 2026 repose sur ce magot ! C’est un équilibre à tenir pour lui : s’il se montre trop proche de Macron, il se met à dos ses alliés du conseil municipal, s’il dézingue trop Macron, il perd les sous ! », prévient un fin connaisseur de la vie politique locale qui requiert l’anonymat.
« Essayons de tenir le chef de l’État à distance des élections municipales. On doit d’abord parler des Marseillais et Marseillaises. », répond le maire de la Ville, en marge du chantier des Baumettes. « Bien sûr que comme lui, je veux que ça aille plus vite, plus fort et plus loin. », ajoute-t-il, comme en échos aux critiques à peines voilées du chef de l’État dans La Provence le matin même : « Tout cela doit encore aller plus vite et suppose que tout le monde soit au bon rythme. Il faut voir très grand, nous sommes dans un temps de bâtisseurs ». En visite dans le quartier nord de La Busserine, (14e arrondissement), Emmanuel Macron presse ses interlocuteurs, en présence de Samia Ghali, adjointe au maire : « Côté transports, on en est où ? Et le tramway ? ». Martine Vassal, présidente de la Métropole lui répond : « C’est pour 2029. Un tram, c’est entre sept et dix ans et on a quelques soucis avec la SNCF ».
Un peu plus tôt, le président de la République a pris le temps d’échanger avec des familles de victimes du trafic de drogue, dans le quartier des Campanules (11e arrondissement). « Les mois qui viennent vont être durs. Il n’y a pas de miracle. On ne va pas arrêter les réseaux de drogue du jour au lendemain. », a prévenu le chef de l’État, avant d’assurer : « Je vous promets que sur les quartiers nord vous verrez la différence ». « Si vous ne le faites pas, je viendrai à l’Élysée, menace l’une de ses interlocutrices, Je suis une guerrière ». « Moi aussi, je suis un guerrier. », lui a-t-il répondu. « C’est un investissement inédit de la Nation dans l’histoire de Marseille et par rapport au reste de la République. » Emmanuel Macron sur le chantier de la prison des Baumettes. La journée se termine par un échange avec un public d’associatifs et d’acteurs des quartiers prioritaires de la Ville, dans un gymnase du quartier de la Busserine. En attendant le président, Brahim, directeur fondateur du Grand Bleu qui apprend à nager et propose des sports nautiques remarque : « C’est bien qu’il s’intéresse à Marseille, mais ce serait bien qu’il s’intéresse à toutes les villes qui ont des difficultés dans tout le pays ».
Emmanuel Macron et la fable de la mairie Marseille
Un peu plus tôt, sur la dalle en forme de piédestal installée au chantier des Baumettes, après avoir pris soin de saluer chaque ouvrier, policier, douanier et autorités politiques, le président de la République avait vanté son bilan de « Marseille en grand » (nouveaux transports, plus de magistrats, investissements culturels, rénovation de logements etc.). Et avait concédé : « C’est un investissement inédit de la nation dans l’histoire de Marseille et par rapport au reste de la République ». Même Sébastien Delogu, député LFI de la circonscription salue la visite. « C’est le rôle du président que d’être aux côtés des gens. Des milliards, c’est bien, mais pour faire quoi ? », interroge celui qu’on a longtemps surnommé « le chauffeur de Mélenchon » parce qu’il le conduisait dans Marseille pendant ses campagnes. Avec son écharpe, en attendant le président, il estime qu’il faudrait « au moins doubler » les crédits déjà accordés et « poser la question de la légalisation du cannabis car nos voisins le font et ça pressurise encore plus ici ». Une proposition battue en brèche par le président de la République française, le matin même, devant les forces de sécurité réunies sur le chantier des Baumettes : « Ce n’est jamais sympathique de voir des gens qui se droguent parce qu’ils alimentent et légitimement tout le travail que vous êtes en train de faire ».
« ville de cœur »
Certains observateurs parisiens avancent que si Emmanuel Macron a un œil attentif sur sa « ville de cœur » et un carnet de chèques bien garni, c’est qu’il a des vues sur la mairie après ses mandats élyséens. De quoi faire sortir leurs yeux de leurs orbites de la plupart de nos interlocuteurs marseillais. « Pourquoi pas plutôt à Paris ? », « Ici, on ne vote pas pour ceux qui n’ont pas l’accent », « Qu’il achète plutôt le club ! ». Même Benoît Payan sourit : « Pour 2032 ? C’est une super idée. Et pourquoi pas le conclave aussi ? ».
Soyez le premier a laisser un commentaire