Photo : Le président français Emmanuel Macron, ici en décembre 2022 (John Thys / AFP)
Une pression à Bruxelles. Après une visite d’État de deux jours en Suède, le président français se rend, ce jeudi 1er février, dans la capitale belge pour participer à un Conseil européen extraordinaire. L’ordre du jour officiel de la réunion ? Le budget de l’union et son soutien à l’Ukraine. Mais dans le contexte national actuel, les discussions en marge de ce conciliabule à 27 seront particulièrement scrutées : Emmanuel Macron doit rencontrer la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, pour parler agriculture, normes et accords commerciaux. Acculé en France par des paysans mobilisés depuis bientôt deux semaines pour leurs conditions de vie et de travail, le locataire de l’Elysée compte effectivement sur les institutions européennes pour satisfaire certaines revendications. Une nouvelle étape, espère-t-il, dans la réponse de l’exécutif français à la colère dans les campagnes.
Ce que la Commission propose
Pour le dirigeant français, il faut réformer l’Europe. « Je continuerai à être du côté de notre agriculture, pas en désignant l’Europe comme coupable mais comme une institution dont il faut réformer la politique pour la mettre en cohérence avec nos ambitions. », expliquait Emmanuel Macron mardi depuis la Suède, pour résumer son état d’esprit avant de rejoindre Bruxelles. Après les mesures de « simplification » annoncées par le premier ministre français, Gabriel Attal, vendredi 26 janvier dernier, puis les précisions dévoilées mardi lors de son discours de politique générale, le locataire de l’Élysée veut mettre trois sujets principaux sur la table dans ses discussions avec Ursula von der Leyen. Des dossiers sur lesquels la commission « peut et doit bouger », selon les mots pesés par l’un de ses conseillers auprès de la presse en amont de ces échanges. Il sera donc question, tout d’abord, des jachères, cette méthode traditionnelle de régénération des sols, dont les règles sont critiquées par certains agriculteurs français et à travers l’Europe.
Au moins 4% des terres
Dans la nouvelle PAC (Politique Agricole Commune), entrée en vigueur début 2023, les aides versées aux paysans sont conditionnées au respect de critères agro-environnementaux, dont l’obligation de laisser au moins 4% des terres arables en jachères. Une façon, entre autres, de lutter contre la surproduction. Dans ce contexte de fronde agricole, en France mais également aux Pays-Bas ou en Allemagne, la Commission européenne commence à bouger. Selon son porte-parole, elle envisage d’adopter une nouvelle dérogation à ces obligations de jachère déjà suspendues l’an dernier pour compenser les perturbations de l’offre céréalière ukrainienne et russe conséquentes à la guerre. Et ce n’est pas tout.
Le Mercosur comme gros morceau
Emmanuel Macron entend également porter la question de l’exemption des droits de douane accordée à Kiev sur les produits agricoles depuis 2022. Alors que certains paysans accusent l’afflux de céréales, œufs et poulets d’Ukraine de plomber les prix locaux, Bruxelles propose malgré tout de renouveler le dispositif pour une année supplémentaire. Mais en l’assortissant de « mesures de sauvegarde » renforcées, un gage, là aussi, donné aux agriculteurs en colère. De quoi satisfaire les pays européens frondeurs ? La France en particulier ? Outre ces deux dossiers précis, le président de la République doit aborder ce qu’il qualifie de « vrai sujet européen » sur l’agriculture : « les politiques commerciales ». En l’occurrence, l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay). « Quand on demande des efforts à nos industriels à nos agriculteurs sur leurs productions, on doit importer des produits venants de pays qui font le même type d’efforts. », a-t-il plaidé, mardi depuis Stockholm. Une façon de s’élever contre une « concurrence déloyale » entre l’agriculture européenne et sud-américaine et de redire son opposition à ce traité controversé. Dans la foulée, le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire a promis hier, mercredi, que la France s’engagerait dans un « bras de fer » lors des négociations à Bruxelles pour que l’accord en question « tel qu’il est aujourd’hui ne soit pas signé ».
À ses yeux, son pays pèse dans l’Union Européenne. « Croyez-moi, quand la France veut quelque chose en Europe, elle a suffisamment de poids pour l’imposer. », a fait valoir Bruno Le Maire sur CNews. Emmanuel Macron aura l’occasion de répéter ces griefs à la présidente de la Commission européenne ce jeudi. Pour l’heure, l’institution n’est pas satisfaite du texte, mais les négociations se poursuivent avec le Mercosur. Et elle tient à rappeler que c’est bien elle qui a la main. « Je rappelle que c’est la Commission qui négocie les accords de libre-échange sur la base d’un mandat reçu par les États membres. », a déclaré le porte-parole de la Commission européenne pour l’agriculture et le commerce. « C’est la Commission et uniquement la Commission. », a-t-il ajouté. De quoi mesurer l’ampleur de la tâche qui attend Emmanuel Macron.
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