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Rwanda : 30 ans après le Génocide des Tutsis, la France évite-t-elle encore ses responsabilités ?

Peut-on reconnaître des « responsabilités accablantes » sans désigner des responsables ? À la veille du 30e anniversaire du génocide des Tutsis au Rwanda, ce dimanche 7 avril, plusieurs associations des droits humains ont dénoncé jeudi les « obstacles » persistants des autorités françaises dans les procédures judiciaires visant les responsabilités présumées de militaires et d’anciens responsables français à l’époque des massacres. En 2021, une commission de chercheurs et historiens mandatés par le président  français, Emmanuel Macron, et présidée par l’historien Vincent Duclert avait rendu un rapport historique qui concluait aux « responsabilités lourdes et accablantes » de la France dans ce génocide préparé et commis par le régime Hutu, que l’Hexagone a longtemps soutenu politiquement et militairement.

« Lutte contre l’impunité »

« Il y a eu un scandale dans l’État. Un petit groupe [autour du président de la République François Mitterrand] ont préempté la politique française au Rwanda. », explique Stéphane Audoin-Rouzeau, historien et directeur d’études à l’EHESS. Pour ce spécialiste de la Grande guerre qui se consacre aujourd’hui au Rwanda, « nous manquons encore beaucoup d’éléments sur la dimension militaire », notamment en raison d’archives manquantes ou inaccessibles. Patrick Baudouin, président d’honneur de la FIDH et président de la LDH, a réclamé jeudi dernier « qu’il n’y ait plus les obstacles […] à ce que les procédures aboutissent, qu’il y ait une vraie volonté de lutter contre l’impunité »« Les affaires les plus emblématiques dans lesquelles on continue à avoir des obstacles sont celles qui visent les militaires ou les politiques français. », a-t-il affirmé, dénonçant le « refus de communication de documents ».

ces évènements de « drame humain »

« La commission Duclert a obtenu toute une série de documents qui sont considérés comme ne pouvant pas être communiqués à la justice, c’est quand même absolument aberrant… », a-t-il fustigé. « On donne plus aux historiens qu’on ne donne aux juges qui sont chargés de la lutte contre l’impunité, de faire justice pour les victimes, pour la vérité ». Depuis 2005, six rescapés de la région rwandaise de Bisesero, l’ONG Survie, la FIDH et plusieurs parties civiles accusent la force française Turquoise d’avoir sciemment abandonné aux génocidaires, du 27 au 30 juin 1994 à Bisesero, des centaines de Tutsi qui les avaient pourtant suppliés de les sauver des tueurs. Le rapport Duclert a qualifié ces évènements de « drame humain » et d’« échec profond » pour la France. Cette enquête sur de possibles responsabilités de l’armée française a fait l’objet d’un non-lieu en France. Les parties civiles ont fait appel de l’abandon des poursuites.

C’est parfaitement faux

« Les juges ont eu un peu trop tendance à épouser la thèse des militaires qui consiste à dire qu’ils étaient dans une confusion pendant trois jours à Bisesero : c’est parfaitement faux ; ils étaient au contraire dans la clarté de leur mission et des informations qui étaient portées à leur connaissance. », a affirmé jeudi Eric Plouvier, avocat de Survie. « On demande qu’on poursuive les investigations sur la nécessaire chaîne militaire et politique qui n’a fait l’objet d’aucune investigation ; dire comme les juges aujourd’hui que tout se cantonne au commandement militaire de l’opération Turquoise qui va d’un officier supérieur à un autre sans aller jusqu’à Paris, c’est pas acceptable. », a-t-il estimé. « Ce que l’on souhaite, c’est qu’on considère que ce qui a été réuni au cours de cette instruction constitue des charges justifiant un renvoi devant une cour d’assises ».

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