Photo : Le président sénégalais sortant, Macky Sall
Non. Pas de deuxième tour ! C’est un geste symbolique qui augure une transition démocratique. Le candidat du pouvoir à la présidentielle au sénégal, Amadou Ba, a appelé l’opposant antisystème Bassirou Diomaye Faye pour le féliciter de sa « victoire » au premier tour de l’élection du dimanche 24 mars, a annoncé ce lundi 25 mars le porte-parole du gouvernement sénégalais. « Au regard des tendances des résultats de l’élection présidentielle et en attendant la proclamation officielle, je félicite le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye pour sa victoire dès le premier tour. », a ajouté Amadou Ba dans un communiqué. Le président sénégalais sortant, Macky Sall, a lui aussi félicité Bassirou Diomaye Faye pour sa victoire. Lui qui avait annoncé qu’il ne se représenterait pas après avoir été élu et réélu en 2012 et 2019, « salue le bon déroulement de l’élection » et « félicite le vainqueur, M. Bassirou Diomaye Faye, que les tendances donnent gagnant », a-t-il dit sur X (ex-Twitter). « C’est la victoire de la démocratie sénégalaise », a-t-il ajouté.
Ces déclarations de Macky Sall et de son candidat sont très symboliques et ont de quoi calmer les esprits aux Sénégal après des mois de tensions et de confusion. Et pour cause, l’enjeu de cette élection était de voir si le vote allait être respecté. Les « bourrages d’urnes » ou des « pressions sur les électeurs » pouvaient être à craindre, tout comme un « scénario catastrophe » : une tentative d’inversion de l’élection par le parti au pouvoir, qui n’aurait pas manqué de susciter des heurts. Mais par cette déclaration, Amadou Ba a désamorcé ce suspense et ouvert la voie à une transition démocratique plus en douceur.
De la prison à la présidence en quelques jours
Bassirou Diomaye Faye, encore en prison il y a une dizaine de jours, va donc devenir le président du Sénégal dès le premier tour de la présidentielle, ce qui s’apparente à un séisme politique. Bassirou Diomaye Faye, 44 ans, jamais porté à une fonction élective nationale auparavant, va devenir le cinquième président de ce pays ouest-africain de 18 millions d’habitants, et le plus jeune de son histoire. Il était donné largement vainqueur après le dépouillement des suffrages, mais sa victoire restait suspendue à la reconnaissance par le candidat du pouvoir Amadou Ba, en l’absence de publication officielle des résultats, qui devrait prendre encore quelques jours.
« Happy Birthday Mister President »
Après trois années d’agitation et de crise, les sénégalais connaissent donc le nom de leur prochain chef de l’État à l’issue d’un scrutin dimanche qui a tranché entre continuité et changement peut-être radical. « Je prie le Tout-Puissant de lui accorder l’énergie et la force nécessaires pour assumer cette haute fonction à la tête de notre pays », a dit Amadou Ba dans son communiqué. Les résultats provisoires publiés dans les médias et sur les réseaux sociaux plaçaient le candidat Bassirou Diomaye Faye nettement devant celui du pouvoir et très loin devant les autres. Des journaux ont proclamé dès lundi la victoire de Faye à leur Une. « Diomaye le plébiscite », titre l’Observateur. « Happy Birthday Mister President », affiche Walf Quotidien. Sa victoire « est presque acquise parce que d’après ce qu’on voit, d’après les chiffres qui viennent de tomber là, je vous dis qu’il n’y aura pas de deuxième tour », se réjouissait par avance Serigne Aïssanine, Coordinateur jeunesse de la coalition Diomaye Président.
Une « révolution totale »
« C’est une révolution totale. Tout va changer. Du côté comportement, du côté social, du côté financier, tout va changer », déclare Coumba Diallo dite « Queen Biz », une chanteuse qui soutient Faye. Au moins dix des 17 candidats ont félicité Faye au vu des résultats provisoires publiés par les médias. La certitude de la victoire a déclenché des scènes de liesse parmi ses sympathisants dans la capitale et en Casamance. Une victoire de Faye pourrait annoncer une profonde remise en cause systémique, pas seulement parce qu’il devient le plus jeune président du Sénégal depuis l’indépendance vis-à-vis de la France en 1960. Faye, bénéficiant d’une loi d’amnistie, est sorti de onze mois d’emprisonnement dix jours avant l’élection, en même temps que son guide et chef de leur parti dissous Ousmane Sonko.
« Changement de système »
Faye se veut le « candidat du changement de système » et d’un « panafricanisme de gauche ». Son programme insiste sur le rétablissement de la « souveraineté » nationale, bradée selon lui à l’étranger. Il a promis de combattre la corruption et mieux répartir les richesses, et s’est aussi engagé à renégocier les contrats miniers, gaziers et pétroliers conclus avec des compagnies étrangères. Le Sénégal pourrait commencer à produire du gaz et du pétrole en 2024. Le scrutin a été suivi avec attention, le Sénégal étant considéré comme l’un des pays les plus stables d’une Afrique de l’Ouest secouée par les putschs. Dakar maintient des relations fortes avec l’Occident, tandis que la Russie renforce ses positions alentour.
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