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Prix Nobel de Médecine 2022 : Svante Pääbo nous a réconciliés avec l’homme de Néandertal

Photo : Homme de néandertal (série américaine « The tribe », 1974)


Le paléogénéticien Svante Pääbo vient d’être récompensé du prix Nobel de Médecine 2022. Grâce à ce suédois, Néandertal est devenu une histoire à rajouter à l’historique amoureux d’Homo Sapiens. « Grossier », « repoussant », « la figure même de la laideur » : l’homme de Néandertal, après sa découverte en 1856 dans la vallée du Neander (près de Düsseldorf), ne jouissait pas de la réputation d’un tombeur auprès des premiers palélontogues. La fin du XXe siècle a permis de corriger cette mauvaise réputation, et les travaux du suédois Svante Pääbo n’y jouent pas un rôle mineur. Plus que cela, il a même démontré que Néandertal savait être un vrai charmeur. Le père de la paléogénétique est ainsi célébré, ce lundi 3 octobre, par le Nobel 2022 de Médecine pour ses travaux sur le génome de l’hominidé, disparu environ 30.000 ans avant notre ère pour des raisons encore mystérieuses. En 1997, l’équipe de Pääbo a pu extraire l’ADN issu de l’homme de Néandertal original, celui découvert à la moitié du XIXe siècle, en creusant dans un os fossilisé. Treize ans plus tard, le chercheur publiait dans la revue Science des découvertes qui ont changé notre vision non seulement de l’homme de Neander, mais aussi d’Homo Sapiens.

De 1 à 4% d’ADN de Néandertal

Le génome séquencé par l’équipe de Svante Pääbo, comparé à celui d’humains contemporains, a permis d’identifier deux faits majeurs. D’abord, Homo sapiens et Néandertal ont « divergé » (devenant donc deux espèces différentes) il y a 500.000 ans environ. Mais lorsqu’Homo sapiens a migré d’Afrique pour rejoindre, il y a 200.000 ans, des terres européennes où Néandertal avait déjà pris ses quartiers, la rencontre a eu lieu… Et cela aussi, notre ADN en porte la trace. Ce que l’équipe de Pääbo a découvert, c’est que les êtres humains d’aujourd’hui emportent avec eux entre 1 et 4% de d’ADN appartenant à Néandertal. Cet emprunt, explique l’étude, s’est fait il y a plus de 60.000 ans, suggérant que les deux populations, à ce moment de leur histoire, se sont non seulement croisées, mais également mélangées. « Il n’a suffi de quelques amours interraciales », précise l’étude,« pour que l’on retrouve cette proportion d’ADN ». Comment l’équipe peut avancer cette théorie ? L’ADN humain auquel celui de Néandertal a été comparé provenait de cinq groupes : des Homo sapiens originaires de Chine, de France, de Papouasie-Nouvelle-Guinée, d’Afrique du Sud et d’Afrique de l’Ouest. Chez tous ces individus, l’ADN de Néandertal s’est retrouvé dans une proportion comparable. De plus, appuie l’étude, « toutes les ethnies modernes ont dans leur ADN une part de l’héritage néandertalien. »

Seulement l’une des conquêtes d’Homo sapiens

Cela signifie qu’Homo Sapiens se serait accouplé avec Néandertal très tôt, au moment de sa sortie d’Afrique, sans doute au Moyen-Orient aux alentours de 80.000 ans avant notre ère. La preuve par l’ADN n’est pas irréfutable, tant les résultats sont parcellaires, tempérait alors l’étude ; mais la même année les travaux de l’américain Jeffrey Long menaient à la même conclusion, donnaient encore plus de force à cette hypothèse. L’idée qu’Homo sapiens ait partagé l’intimité de Néandertal n’était d’ailleurs pas nouvelle en soi. Les découvertes des anthropologues à la fin du XXe siècle, montrant notamment que les deux espèces avaient coexisté en Europe durant au moins 10.000 ans, les avaient amenés à se poser la question par pure déduction logique. Mais c’est bel et bien la généralisation de la technologie permettant de décrypter le génome qui a confirmé cette intuition… Et renforcé encore l’idée que Néandertal n’était pas la bête sauvage que l’on se plaisait à décrire pendant des décennies. La « réhabilitation » de l’homme de Neander était d’ailleurs dans l’air du temps. La découverte non seulement de sépultures, mais aussi d’art pariétal avait déjà démontré sa capacité à faire preuve d’une pensée abstraite. En parallèle, on s’est également aperçu qu’Homo sapiens s’était également accouplé avec Homo Denisovensis, quelques dizaines de milliers d’années plus tard. Décidément, l’amour de nos ancêtres passait parfois la barrière de l’espèce, et l’on commence tout juste à le comprendre.

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